La productivité, un élément clef mais méconnu dans les DSI 

La productivité, un élément clef mais méconnu dans les DSI 

Et si les DSI payaient trop cher pour leurs résultats ? Des résultats opérationnels peuvent être satisfaisants sans que l’entreprise ne s’y retrouve. Derrière ce paradoxe se cache souvent une méconnaissance d’un levier puissant mais sous-exploité : la productivité. En réalité, trop peu de managers ont cette notion dans leur culture économique, préférant se fier à l’habitude plutôt qu’à l’analyse. Après 1 an d’accompagnement concentré sur cette question, il est temps d’en formuler un bref retour d’expérience. 

Des gains opérationnels. Formidable, mais … et alors ? 

Les résultats opérationnels obtenus lors d’un déploiement Lean sont bien connus : amélioration de la satisfaction client, amélioration de la qualité, réduction du stock et des délais. Il va de soi que ces améliorations sont un bénéfice à rechercher. 

 Toutefois les entreprises ont également besoin de savoir que ces améliorations s’obtiennent dans des conditions financières valables. 

 Un exemple : récemment j’ai accompagné une équipe de 9 personnes chargées de traiter des incidents et des changements, pour un volume entrant global de 8 par jour. Instinctivement cela m’a paru très généreux. Pas question de se satisfaire de ça… Ou peut-être que si ? Comment le savoir ? Y a-t-il un effectif satisfaisant ? Lequel ? 

 Cette question est constamment, quoique jamais explicitement, posée par l’entreprise à ses managers. 

Alors il faut aussi regarder la productivité pour savoir s’ils sont valables 

La productivité d’une équipe est le nombre de « pièces » livrées OK par cette équipe rapporté à la force de travail financée de cette même équipe. Dans notre exemple ci-dessus, c’est le nombre de 8 incidents et changements traités correctement dans la journée, rapporté aux 9 personnes financées. Le chiffre serait ici 8 / 9 = 0,88.  

 Est-ce satisfaisant ou non ? Voici comment on peut le savoir. 

 En comparant les courbes dans le temps 1/ de la productivité et 2/ du volume de sollicitation (volume « entrant »), nous accédons à des informations nouvelles. Si les deux courbes se suivent, cela signifie que l’équipe est capable de faire face au flux de demandes entrantes. Par conséquent son effectif actuel est au moins suffisant, sinon surdimensionné : 

  (résultat obtenu après 3 mois d’exercice) 

 En outre, une équipe qui, à l’occasion de sollicitations exceptionnelles, démontre une productivité supérieure à son habituel, prouve qu’elle peut réduire son effectif sans rien changer à ses résultats : 

  (potentiel visible à l’œil nu) 

Dans le cas présent, la productivité possible est supérieure à la productivité habituelle. Nous pouvons donc compter sur une capacité de l’équipe à traiter la demande entrante habituelle avec moins de personnes.  

La productivité permet de bien dimensionner les équipes.  

Précisons enfin qu’elle découle des améliorations opérationnelles, par exemple améliorer la qualité en sortie permet de convertir des demandes traitées mais refusées par le client (donc improductives : il faudra recommencer) en demandes acceptées par le client (donc productives : le client est livré). 

Elle n’est donc pas une donnée immuable mais un résultat accessible à toute équipe en voie d’amélioration continue.  

Ce billet ne vise pas à tout dire sur la productivité, nous avons donc volontairement fait l’impasse sur :

  • Ce qui rentre ou non dans le calcul 
  • Comment compter la « force de travail » contributrice 
  • Comment prendre quelles précautions dans les conclusions 
  • Etc. 

Le constat qui va nous étonner ici est que les managers n’ont habituellement pas de connaissance précise à ce sujet, et encore moins de pratique.

La culture économique des managers (et Lead Managers aussi, parfois) 

 Au cours d’un bilan de résultats opérationnels obtenus par une équipe IT dans un grand groupe, j’ai présenté de cette façon l’amélioration de la productivité avec des résultats similaires. Le Lead Manager présent s’est alors étonné : « pourquoi personne ne m’en parle comme ça ? ».  

De fait, les managers IT utilisent rarement la productivité pour dimensionner leurs équipes. Le raisonnement se limite à des hypothèses de volumes comparées à « la façon dont l’équipe s’en sort habituellement ». Raisonnement simple, qui permet à l’entreprise de fonctionner bon an mal an, mais à quel surcoût !  

Toutes les équipes que j’ai accompagnées au cours de l’année précédente étaient surdimensionnées d’au moins 30 %, parfois jusqu’à 60 %. Pour des raisons diverses et variées, liées à des circonstances particulières ou non, mais à chaque fois la productivité a été une découverte pour leur manager. 

 Les considérations énoncées ci-dessus sont donc hors des champs de préoccupation et de savoir-faire des managers. Mais le constat ne s’arrête pas là. 

En effet « La productivité permet de bien dimensionner les équipes » constitue le point de départ, mais la nécessité du « coup d’après » se profile très vite. Il faut notamment : 

  • Protéger l’équipe contre les variabilités et la surcharge, donc quelles résolutions de problèmes ? 
  • Développer une certaine polyvalence, donc quel système de formation interne à l’équipe ? 
  • Chiffrer le potentiel à venir, donc quelle collaboration entre le manager, les RH, le contrôle de gestion ? 
  • Anticiper sur l’allégement de la charge, donc quelles perspectives donner aux personnes de l’équipe ?

 Car l’amélioration de la productivité n’est pas une chose acquise une fois pour toutes. Les contextes changent, les problèmes aussi. Notre équipe de 9 personnes qui peut descendre à 7 sera tôt ou tard confrontée à une surcharge : faudra-t-il remonter à 9, ou bien faudra-t-il améliorer quelque chose pour permettre de rester à 7 ? La réponse ne doit pas être automatique.  

Combien d’entreprises augmentent leurs délais dans l’espoir de mieux les tenir (quel affreux sophisme) ! Eh bien concernant les effectifs c’est pareil : limiter le recours à l’augmentation pour se contraindre à améliorer notre fonctionnement interne. 

Conclusion 

Manier la productivité est une nécessité pour toute entreprise désireuse d’observer l’intérêt de faire du Lean au-delà des performances opérationnelles. Les gains liés à l’amélioration de la productivité apportent un complément de souffle vital à l’entreprise : développement des personnes, libération de budgets de Run au profit de budgets de Build, installation d’une base de relation avec les fournisseurs. Force est de constater que cette préoccupation est peu répandue dans les DSI. 

 Comment aideriez-vous les managers à y avoir recours ? 

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