Sans une bonne expérience client… Les bénéfices prennent l’air !

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Il était une fois un papa qui, avec sa fille, allait lui acheter une applique pour sa chambre remise à neuf. Le voilà, tout heureux, reparti du magasin après seulement 45 minutes. Il installe l’applique, puis les ampoules LED. En fait non. Il désinstalle l’applique, puis installe les ampoules LED. En fait non. Il n’arrive pas à installer les ampoules LED. Pourtant, sur les ampoules, il y a bien écrit « diamètre 50 », comme sur la boîte de l’applique, mais ça ne rentre pas ! Cela rentre d’autant moins que la ventouse fournie avec l’applique… Est inopérante pour positionner des ampoules dont la surface n’est pas lisse… Une précision que le fabriquant a jugée inutile.

Papa a décidé d’être cool, ce sont les vacances. Il retournera au magasin vendredi matin dès potron-minet, histoire de ne pas ruiner totalement sa dernière journée de congés.

Se présentant au magasin, papa attend 5 bonnes minutes que la personne à l’accueil termine de traiter le problème du client qui l’a précédé. Enfin, il peut demander à ce qu’on aille quérir le responsable du rayon luminaires afin qu’il lui explique comment rentrer les ampoules dans l’applique. Encore 5 minutes d’attente. Se présente alors une douce personne, dévouée, que nous prénommerons Akiko, qui va coincer 2 ampoules dans l’applique avant, au bout de 15 minutes, d’appeler à l’aide une de ses collègues. Forte de 4 mains, l’opération d’extraction se termine par une applique rayée au tournevis et une ampoule cassée par terre. Finalement, 30 minutes après être arrivé, papa reçoit un avoir de 75 euros, de la part de Kimi, qu’il va pouvoir (re)dépenser au rayon luminaires.

Chemin faisant dans les rayons, papa retrouve Akiko qui se propose de l’aider. Étonnamment, un seul modèle de luminaires en exposition voit ses ampoules désespérément éteintes. C’est celui qu’il a ramené ce matin. Mais, papa veut faire plaisir à sa fille, et c’est celui-là qu’il veut ! Akiko se propose donc de trouver un modèle d’ampoules qui rentrera dans le luminaire. Après 60 minutes, voilà qui est fait !

Cependant, papa a un doute. Il voudrait bien que l’installation soit testée avant de partir. Akiko constate désœuvrée qu’il n’y a aucun banc d’essai disponible, ni même existant. Elle entreprend donc de démonter une applique d’exposition… Sans couper le courant. Papa se souvient de cette année-là, avec la photo de Claude François incrustée dans l’écran de télévision. Il interpelle donc Akiko avant qu’elle n’alourdisse le bilan sécurité du magasin. Il faut dire que, de son propre aveu, la seule formation en électricité d’Akiko, elle la tient de son petit ami… Youpi, 15 minutes plus tard, l’applique est testée et fonctionne !

Il est temps de partir, mais papa voudrait bien une compensation pour le temps que le magasin lui a fait perdre. Akiko n’a pas le droit d’offrir les ampoules, elle en réfère donc à son chef qui 5 minutes plus tard en réfère à son chef, qui « offre » 30% de réduction (7,5 euros !). Mais voilà, il faut faire un bon de sortie. Retour au rayon luminaire avec Akiko. Première erreur de saisie. Deuxième erreur de saisie. Problème d’impression. Résolution du problème d’impression par une collègue qui signe le bon de sortie. Retour auprès du responsable qui constate que le bon est signé et qu’il a attendu pour rien. Encore 15 minutes de perdues.

Il est temps de repasser en caisse. Papa, qui, depuis un moment, a une conversation intérieure avec Amora, Déesse de la moutarde, aimerait bien ne pas refaire la queue. Kimi se propose donc de l’encaisser. Papa dépose sur le tapis la boîte d’ampoules, l’applique neuve, le bon de sortie des ampoules à -30% et l’avoir de 75 euros. Kimi scanne les ampoules, ne scanne pas l’applique et lui propose de lui rembourser le reste de l’avoir. Papa craque et ne dit rien. Moralité, papa repart avec 75 euros de marchandises qui lui ont coûté 15 euros, 2 heures de vacances et 30 minutes de voiture.

Faisons maintenant un peu de mathématiques.

Supposons que le salaire horaire médian chargé des grandes enseignes de bricolage soit l’équivalent de ce que l’on constate à l’échelle de la France, soit 25 euros.

Par ailleurs, prenons la moyenne des quelques informations affichées par les 2 enseignes de grande distribution dans le secteur du bricolage :

  • Chiffre d’affaire annuel moyen : Environ 4 milliards d’euros.
  • Bénéfice annuel moyen : Environ 165 millions d’euros.
  • Effectif annuel moyen : Environ 16000 personnes.
  • Nombre d’heures travaillées par an : Environ 1800

Chaque heure de travail d’un employé rapporte donc [4milliards d’euros de CA]/[1800 heures x 16000 employés], soit un peu moins de 140 euros.

Quel était donc le coût pour l’entreprise de cette « expérience client » ?

  • Coût des 2 heures passées à me fournir la valeur attendue pour mon achat : 2×25 euros = 50 euros de masse salariale.
  • Coût d’opportunité de ces deux heures à me fournir la valeur attendue pour mon achat au lieu de vendre à un autre client : 2 x 140 euros, soit 280 euros de CA.
  • Coût de la marchandise impayée : 60 euros.

Au total, la perte s’élève à 390 euros !

Bien avant que n’explose la mode du Do It Yourself, papa était déjà accro aux enseignes de bricolage. Il imagine malheureusement sans peine que cette aventure doit bien arriver une fois par jour et par employé. En la matière, le coût de la démarque inconnue (la marchandise impayée) reste marginal par rapport au coût total – environ 15% –. Curieusement, papa est à peu près certain que c’est le seul coût qui est suivi, comme en témoignent vigiles et caméras dans le magasin !

Si cette aventure est généralisée à chaque employé, chaque jour où il travaille, qu’est-ce que cela donne ?

  • Marchandises impayées: 218 jours x 16000 employés x 60 euros = 173 millions d’euros
  • Heures de travail perdues: 218 jours x 16000 employés x 50 euros = 144 millions d’euros
  • Coût d’opportunités des heures de travail perdues: 218 jours x 16000 employés x 280 euros = 806 millions d’euros.

Naturellement, l’addition de ces 3 types de gaspillages donne le chiffre astronomique de 1 123 millions d’euros ! Soit potentiellement 7 fois le bénéfice annuel moyen des 2 grandes enseignes de bricolage qui ont servi de base à ce calcul (165 millions d’euros).

C’est incroyable n’est-ce pas ? Pourtant, un rapport comparable existe entre les 2 leaders mondiaux de l’automobile, Toyota et Volkswagen. Chacun fait 213 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2016. Le premier fait 17 milliards d’euros de bénéfices, pendant que le second fait une perte de 1,3 milliards d’euros ! Pourquoi ? Un premier élément de réponse est que Toyota apprend tous les jours de ses clients, en voyant et résolvant leurs problèmes depuis 50 ans… grâce à la démarche Lean.

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