Le paradoxe de Zénon revisité

Le paradoxe de Zénon revisité

Achille et la tortue, ou comment accélérer prodigieusement la vitesse de réalisation des nouveaux développements informatiques

Zénon d’Elée, au 5e siècle avant notre ère, énonçait son paradoxe bien connu : la tortue est 100 pas devant Achille ; ils font la course. Le temps qu’Achille fasse les 100 pas, la tortue en a fait 10 ; le temps qu’Achille couvre ces 10 pas, la tortue en a fait un ; si les choses continuent ainsi de suite, jamais Achille ne devrait rattraper la tortue ; et pourtant il la rattrape évidemment. Comment cela se peut-il donc ?

Une simple suite géométrique dont la convergence est fournie par la formule suivante : a / (1-q) soit 100/ (1-0,1) soit 100/0,9 = 111,11 mètres.

Fin de la course.

Il n’empêche que la belle mécanique théorique du 1/10 de plus à l’infini séduit nos esprits depuis 2500 ans. Et continue de le faire.

« L’évidence des sens est parfois fallacieuse », disait Parménide. Si les biais cognitifs n’étaient pas si attirants, nous ne nous égarerions point dans leurs pièges…

Supposons maintenant que la tortue avance en ligne droite du départ à l’arrivée, en prenant la bonne direction à chaque fois.

Et que Achille se trompe simplement de direction deux fois sur 10, à chaque pas.

Après tout, 80 % de bon, c’est bien assez non ? Achille déteste la sur-qualité, il l’évite comme la peste. Dans l’informatique aussi, j’ai rencontré beaucoup de gens, y compris des décideurs, qui partageaient les mêmes convictions qu’Achille.

Au bout de 100 pas, la tortue a progressé de 100 pas dans la bonne direction. Et de même pour les 100 pas suivants. En deux cycles elle a avancé de 200 pas dans 100 % des cas

Et Achille ? Eh bien c’est facile. Il n’aura progressé de 100 pas que 0,8 Puissance 100, soit environ deux fois sur 10 milliards. Et de 200 pas que 41 fois sur un milliard de milliard de fois.

Zénon avait en fait parfaitement raison, notre pauvre Achille malgré tous ses efforts, sa puissance et ses enjambées gigantesques, n’arrive en fait jamais nulle part.

Un rapport, même lointain, avec certaines situations dans l’informatique ?

Désemparé, loin derrière une tortue qui progresse un peu plus que lui à chaque pas, Achille ne comprend rien du tout.

Il pense devoir encore accélérer.

Il accélère donc. Sous le soleil de plomb de l’été perse, il sue, mais ne refait bien sûr pas son retard.

Surement il est alourdi d’objets inutiles qui le ralentissent. Il jette donc sa gourde remplie d’eau, qui lui pèse le poids d’un âne mort.

 Sous le soleil de plomb de l’été perse, il crève de soif, mais ne refait bien évidemment pas son retard. Il a bien un regret pour sa bonne eau, mais il est déjà trop en retard, il ne veut pas perdre encore plus de temps pour retourner la chercher, il passe déjà tout son temps à revenir en arrière… d’ailleurs il n’a aucune idée de l’endroit où il a bien pu la laisser tomber.

Sous le soleil de plomb de l’été perse, il halète, mais ne refait toujours pas son retard. Il lui faut encore accélérer.

Il se défait donc de son lourd bouclier d’airain, il sera bien temps de se préoccuper de se défendre lorsqu’il sera au combat. Il pourra toujours prendre celui d’un mort, pourvu qu’il en en trouve un à sa taille de géant. Sous le regard moqueur des combattants perse, il fulmine, mais ne rattrape toujours pas son retard. Il lui faut encore accélérer.

Tout son attirail l’exaspère soudain. Son épée est-elle vraiment absolument indispensable pour arriver ? Non bien sûr, ce n’est que pour se battre qu’il en aura besoin. Mais s’il arrive après la bataille, à quoi bon son épée ? Il la dépose donc, à regret, à l’abri d’une cavité, ou il espère bien retourner la chercher une fois arrivé.

Dépouillé de tout son armement, il commence à se demander pourquoi il court, mais cela ne réduit toujours pas son retard. Il lui faut encore accélérer.

Le grand guerrier, après avoir abandonné dans un fallacieux espoir tout ce qui lui est indispensable, n’en peut plus de ses vains efforts. Achille, ce héros, attrape un point de côté. Son souffle est court, il défaille. Il a grand honte mais ne peut faire autrement que de s’arrêter, et poser son séant sur un gros bloc de grès, à l’ombre rafraichissante d’un olivier millénaire. Il ne peut ni ne veux plus accélérer encore. Et commence – enfin- à réfléchir sérieusement.

Qu’est-ce que la tortue fait de diffèrent de la manière dont il s’y prend lui ?

Comment fait-elle pour ne pas se tromper ?  Il n’en sait rien. Mais il vient de comprendre qu’elle arrivera vraiment avant lui. Parce qu’elle cherche absolument à prendre la bonne direction à chaque pas. Et qu’elle prend le temps nécessaire pour y arriver.

Donc se dit Achille, comme frappé d’un éclair, c’est parce qu’elle fait chaque geste plus lentement que moi, qu’elle a trouvé des moyens qu’elle met en œuvre pour ne pas se tromper, c’est pour cela qu’elle va si vite. En étant apparemment plus lente.

Je vais trouver mes prompts moyens d’y arriver aussi, se dit Achille. Je vais chercher, je vais expérimenter, et je vais trouver. Pas besoin de courir, en trouvant des méthodes pour marcher dans la bonne direction du premier coup, pas après pas, je devrais bien finir par la rattraper…

Dans l’informatique aussi, des légions de héros, tels Achille, dispersent une énergie faramineuse en retour arrière, en revert, en NO GO ; ou bien encore en roll-back, en correctifs en production, et en hot fix, ainsi qu’en re-priorisation permanente des items précédemment dépriorisés ; également, en justification du retard auprès des commanditaires, en surabondance de reporting et d’indicateurs ineptes ; tous éléments que le lean nomme gaspillages, et qui sont la conséquence de mauvaises et très coûteuses décisions d’abandonner son indispensable équipement, comme la documentation, le monitoring, l’alerting, le décommissionnement et encore plus risqué, en procrastination de traitement de l’obsolescence, donc de mise à jour de patchs de sécurité.  

En croyant de bonne foi gagner temps. Un temps effectivement gagné, si l’on compte le temps pour faire un pas.

Mais un temps perdu, un temps complètement gaspillé, si l’on compte la distance qui reste à parcourir après chaque pas.

On n’obtient que ce que l’on mesure. Du temps de Zénon, comme de notre temps

Contactez-nous si vous avez besoin d’accompagnement pour accélérer la vitesse de réalisation de vos développements informatiques : 01 40 05 96 88

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