Cette recherche m’a été inspirée par une question récurrente qui se pose en informatique : comment travailler de façon lean avec ses fournisseurs et prestataires ?
Prenons par exemple un contrat cadre qui permet de mobiliser des responsables d’équipe, des développeurs ou des testeurs via une entreprise de service numérique : dans la mesure où ils ne sont pas salariés de l’entreprise, peut-on leur demander de travailler en flux tiré ? Ou ont-ils toute latitude pour s’organiser ? Et dans ce cas, comment engager des actions de résolution de problèmes pour améliorer le fonctionnement entre les deux entreprises ?
Autre exemple : une entreprise délègue la gestion de son infrastructure cloud à un opérateur externe. Des tensions importantes apparaissent car tout devient compliqué, une vraie bureaucratie s’est installée. Chaque mise en production devient une expédition et les équipes de développement s’épuisent. Comment travailler ensemble, entreprise lean et prestataire, pour trouver de meilleures manières de travailler, plus simples, plus rapides et de meilleure qualité ? Le contrat définit clairement les processus entre les deux entreprises, quelle motivation aurait le prestataire à faire du kaizen ?
Voici les points abordés dans cet article :
Le cadre Toyota comme point de référence. 1
Le cadre Toyota comme point de référence
En 2009, les divisions achats de Toyota ont formulé la « Toyota Way in Purchasing », qui énonce clairement les principes et politiques communs à suivre par les acheteurs des filiales du monde entier, qui modernise les pratiques cultivées dans les relations de Toyota avec les fournisseurs depuis sa fondation. Le Manuel du personnel des achats publié au moment de la fondation de Toyota établissait une approche visant à toujours garder la porte ouverte à des produits de meilleure qualité et à de meilleurs fournisseurs, une approche qui a perduré grâce au principe de base de Toyota pour une concurrence loyale basée sur une politique de porte ouverte.
Le Toyota Way in Purchasing comporte trois volets :
1. Des affaires équitables basées sur une politique de porte ouverte
2. Des avantages mutuels fondés sur la confiance mutuelle
3. Une contribution à l’économie et à la société locales grâce à des achats de proximité
Comme souvent dans le monde de Toyota, les principes s’éclairent avec des exemples de mise en pratique. Voici comment Toyota Dahaitsu Asie les décline :

Chacune des lignes est à méditer et à revoir dans le contexte de l’informatique.
Quelques éléments de réflexion :
« Purchasing planning » : à quoi faut-il préparer les acheteurs pour qu’ils soutiennent le futur du business ?
La vitesse des opérations me semble un sujet important pour devenir meilleur en time to market, d’une part, mais aussi pour identifier rapidement les faiblesses des modifications apportées aux systèmes d’information ou les difficultés des utilisateurs à se servir des nouvelles fonctionnalités. Tout cela afin de lancer le kaizen avec les équipes, pour améliorer et se former, dans un seul et même mouvement.
Comment est géré aujourd’hui cet aspect de vitesse ? Quand il est contractualisé, le critère retenu est celui de Service Level Agreement, qui ne satisfait jamais personne. Il existe beaucoup de façons d’être très lent en respectant un SLA : « votre demande n’est pas conforme, recommencez et je remets le délai du SLA à 0 ». Dans une démarche lean, on chercherait à améliorer le processus pour que les demandes soient toujours conformes. Mais dans un tel cadre contractuel, qui va prendre le leadership sur l’amélioration ? Dans un cadre lean, les acheteurs apprendraient les principes du juste à temps, que les SLA n’appliquent jamais. Les contrats seraient rédigés autour de l’idée que 80 % des demandes sont simples et traitées en juste à temps (intraday par exemple) et que les 20 % restant seraient réalisées en plus de temps (7 jours par exemple). Et ce ne serait pas plus cher, j’en ai fait le calcul avec les lois d’Erlang.
C’est ainsi qu’une banque a réussi à ouvrir ses flux CFT en moins d’une journée, dans 90 % des cas, au lieu des 23 jours de délai constatés. Au plus grand soulagement des équipes projet.
« Sourcing pricing » – comment obtenir des coûts compétitifs grâce à des améliorations conjointes ?
A plusieurs reprises, dans des entreprises de secteurs aussi variés que la grande distribution, la banque, l’industrie, j’ai vu des améliorations considérables dans le domaine du support informatique avec des impacts budgétaires évidents :
- La vitesse et qualité des réponses évitent les multiples sollicitations et améliorent la productivité
- La résolution à la racine des causes de sollicitations réduit les volumes traités et donc les coûts du support.
Ces améliorations s’obtiennent par un engagement des équipes des niveaux 1, 2 et 3 dans une démarche lean. Elles s’inscrivent bien plus difficilement dans un contrat de prestation :
- Qui finance le temps du prestataire pour la résolution de problèmes ?
- Comment va évoluer sa facturation au fur et à mesure que les améliorations portent leurs fruits ? Va-t-on lui payer moins ses tickets ? Réduire la taille de son forfait ?
La tentation est grande pour l’acheteur d’accaparer les gains du lean. Chez Toyota, la répartition des bénéfices est équitable entre les deux entreprises.
D’autre part, la politique achats prévoit de « relancer des appels d’offre tous les trois ans ». Un prestataire engagé dans l’amélioration, obtenant des résultats très positifs pour son client, se verra remplacé par un nouvel entrant un peu mieux disant et dont personne ne peut garantir que le niveau de service sera le même (oui, mais il y a le SLA, valeur si théorique et facile à manipuler ☹). Que reste-t-il de la confiance mutuelle ?
Il existe des entreprises plus engagées dans la durée, bien sûr, et je tiens à souligner Michelin et sa politique de confiance envers ses fournisseurs.
« Supplier Production / Preparation and development » : comment transférer les bonnes pratiques lean à ses fournisseurs ?
Un petit dessin valant mieux qu’un long discours, voici le programme de travail proposé par Toyota Daihatsu :

Le monde informatique peut être dérouté par les concepts présentés bien loin du vocabulaire des pratiques agiles. Qu’on se rassure, elles sont parfaitement appropriables, aussi bien du côté build que du côté run, avec quelques aménagements bien sûr.
Vous trouverez ici le retour d’expérience de Baptiste Michel, CEO de BAM (ESN spécialisée dans les applications mobiles), sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=nTB7NWT4ux4
Un programme comme celui proposé par Toyota Daihatsu exige que la DSI ait déjà entamé sa propre révolution lean avant de pouvoir accompagner un prestataire dans la sienne. Le chemin est long mais les bénéfices à en attendre font rêver :
- des systèmes d’information fiables et peu à risque
- une foule de petits services rendus en quasi temps réel (obtenir un poste de travail ou un certificat, patcher un serveur, ouvrir un flux, etc…)
- une livraison de nouveaux systèmes accélérés et appréciés par leurs utilisateurs.
Tout cela dans un cadre de personnes à l’aise avec leurs technologies, pratiquant une collaboration ouverte et confiantes dans la capacité des uns et des autres à se mobiliser pour résoudre les problèmes qui apparaissent.
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