Voilà comment on passe de l’échec au succès à l’échec… Parce qu’on a, pour le succès, une pensée rationnelle et scientifique (le Lean management et son PDCA) on a, pour l’échec, une pensée nombriliste et réactionnaire,
par Marie-Pia Ignace, CEO d’Operae Partners
Cas concret : Le directeur commercial d’une banque constate que, après une succession, les héritiers ne souhaitent pas maintenir leurs placements chez lui. Une partie de l’argent est dépensée et le reste est déplacé dans d’autres banques. On parle de plusieurs centaines de millions d’euros qui sont transférés chaque année !
Cela lui paraît d’autant plus incompréhensible que :
- les offres de placement de la banque sont de bonne qualité et sont reconnues par les experts,
- il existe des frais de transfert qui pénalisent le client,
- tous les commerciaux sont formés pour proposer aux héritiers de rester dans la banque.
Une bonne enquête auprès des héritiers fait apparaître des points faibles dont le principal est la pénibilité et la durée du process de succession :
- pénibilité : les héritiers ont l’impression qu’on leur demande 1 000 papiers, à différents moments, et sans réelle justification. Un verbatim : « On m’a dit, le dossier est complet mais il faut refaire le certificat de décès, il est trop vieux (plus d’un mois). Je leur ai dit, Maman est morte et ce n’est pas le Christ, elle est morte pour toujours, elle ne ressuscitera pas ! »
- délai : effectivement, même les dossiers les plus simples prennent des mois ! (de 6 à 24 mois, avec une moyenne de 14 mois).
Le directeur commercial demande à son équipe Lean d’améliorer le process.
1er constat : le temps de traitement d’un dossier représente 8 à 10 heures, rien qui justifie 14 mois d’attente !
2ème constat : aucun dossier n’est traité correctement. Il y a toujours, à différents moments, une erreur et un retour arrière.
3ème constat : la description du process est dispersée, confuse, si ce n’est incohérente.
L’équipe Lean trouve un premier groupe d’agences qui accepte de travailler à améliorer ensemble le process.
Le résultat est un grand classique :
- les commerciaux parviennent à ramener le délai à 40 jours (au lieu de 14 mois)
- le client exprime sa satisfaction (la note passe de 5.3/10 à 8.7/10)
- les fonds restent plus souvent dans la banque (de 14 % à 52 % sur le montant investi).
Bref, tout va bien !?
Eh bien non, retour en force des forces bureaucratiques :
- après plusieurs tests, les pilotes ont trouvé une pochette « pense bête » efficace pour les héritiers : le taux de dossier complet en 10 jours a été multiplié par presque 3. Mais le responsable de la logistique refuse de l’imprimer tant que les agences ne lui en ont pas commandé 10 000 exemplaires… les demandes stagnent à 7 870.
- un directeur d’agence, peu au courant des mouvements tels que l’open innovation, décide que maintenir des fonds dans la banque mais pas dans son agence ne l’intéresse pas. Les commerciaux laissent tomber.
- un responsable du risque vérifie que le process est appliqué mais considère que la formation n’est pas la bonne (le process est bien appliqué !!!). Il la transforme, plus personne n’y comprend rien.
- …
A la fin des fins, le délai repart à la hausse et l’argent sur le compte des concurrents.
Faire du Lean management, ce n’est pas une question de mode :
– c’est une envie de gagner !
– une capacité à avoir l’esprit ouvert
– une aptitude au rationnel
– une envie de réussir ensemble.
Marie-Pia Ignace, Présidente d’Operae Partners