Photo by thomas marban on Unsplash
Sur le marché aux poissons de Kanazawa, ville située sur la Mer du Japon, la profusion de thons et autres araignées de mer sur les étals mettent en émoi mes papilles. En n’écoutant que les gargouillis de mon estomac affamé, je m’aventure alors dans le premier petit bar à sushis pour y déguster ces poissons fraichement pêchés.
Au premier abord, cela ressemble à un sushi bar traditionnel japonais comme les autres, avec son long comptoir derrière lequel quatre cuisiniers jouent du couteau pour découper énergiquement légumes et poissons frais. Un serveur m’accueille poliment et me place juste devant l’un d’eux. Il me demande si cela me convient. J’acquiesce, car j’adore voir l’aisance et la rapidité de leur geste.
Et l’innovation high tech, où est-elle?
Elle a envahi chacune des étapes du service. Chaque client dispose d’une tablette connectée disposée en face de lui. Ok, mais qu’apporte la tablette au client ?
Je peux choisir simplement mon assiette de deux façons :
- FLUX de plats pré-préparés : je peux piocher un plat parmi ceux qui défilent sur le tapis roulant devant les clients. Si une assiette de sushis à mon goût se présente lors de ce défilé, c’est le moyen le plus simple et le plus rapide de me sustenter en me servant directement sur ce tapis. Cela évite aux clients pressés de passer du temps à choisir et commander.
- FLUX de choix à la carte : une sélection de plats « à la carte » enregistrée sur la tablette tactile individuelle me permet de commander à la carte.
Comme aucun sushi aux crevettes crues ne défile sur le tapis, je me lance dans une commande sur tablette.
L’écran de la tablette, fait apparaître le menu à la carte et ne concerne donc que le second flux.
Très bien, mais une simple carte « papier » n’aurait-elle pas pu faire l’affaire et reléguer la tablette au rang de gadget?
Pour faciliter le choix du gourmand que je suis et qui ne connaît pas ce restaurant, l’écran tactile permet de choisir exactement ce que l’on veut en cliquant directement sur les photos des plats. La navigation est d’une limpidité déconcertante : 6 photos principales permettent de sélectionner différents types de sushis et sashimis. Ces 6 boutons apparaissent tout le temps en bas de l’écran et sont accessibles à tout moment : finis les fastidieux retours arrière à n’en plus finir. Après avoir cliqué sur un type de sushi, une nouvelle liste de photos de chaque plat apparaît. Il ne reste plus qu’à cliquer sur l’assiette de poissons crus à mon goût et éventuellement en modifier le nombre pour commander. Montre en main, parmi la petite centaine de choix possibles, j’ai mis moins de 2 mn à passer ma commande. J’étais certain de bien avoir choisi ce que je voulais grâce au jeu de photos explicites. Et puis, si en cours de repas, il me venait l’envie de commander à nouveau, il me suffisait d’interroger devant moi ma nouvelle amie la tablette. Cette approche permet de gérer à mon rythme un flux continu de commandes.
Cela est d’autant plus vrai que les cuisiniers sont à 5O cm et la commande met moins de 5 mn à arriver : le cuisinier me remet lui-même le plat en me le tendant simplement.
C’est bien joli, me direz-vous, mais comment reconnaitre, de façon certaine, de quel poisson il s’agit sur une photo ?
Facile, la tablette permet aussi de changer instantanément du japonais à l’anglais. Tous les noms des poissons, crustacés et autres coquillages apparaissent sur chacune des photos en anglais si on le souhaite.
Du digital à l’art de la politesse japonaise pour supprimer le MUDA de l’attente
En apportant les plats à leurs clients, les serveurs japonais ont coutume de commencer par la formule de politesse suivante : «Omatasse shimashita », ce qui signifie « je suis profondément désolé de vous avoir fait attendre ».
Peu importe la durée de votre attente, le serveur accompagnera toujours la remise de son plat par cette délicate attention.
Le fameux gaspillage de l’attente client est perçu comme un irritant inacceptable par le client japonais. Si je commande un plat maintenant, c’est pour le manger… tout de suite ou presque. La culture du « just in time » est profondément ancrée dans les exigences élémentaires du client japonais. Au final, qui trouve l’attente agréable ? Pas moi.
Où est l’innovation digitale sur le flux aval pour réduire l’attente de paiement ?
La gestion de la demande de la facture est tout aussi impressionnante.
La personne qui m’a accueilli et m’a placé déambule derrière moi pour répondre à la moindre de mes questions. Dès que je finis mon repas et à ma demande, elle scanne rapidement chacune de mes assiettes avec un appareil portatif de la taille d’un gros téléphone portable porté en bandoulière sur son côté gauche.
Comme toutes les assiettes incluent des puces NFC, le scan détecte automatiquement le prix de chacune des assiettes que ce soit celles commandées via la tablette ou celles retirées directement sur le tapis roulant. Cela permet de générer l’addition de plats consommés à la fois par le flux « tapis roulant » et par le flux commande « tablette ». Sur son écran apparait la facture dématérialisée qu’elle vérifie d’un coup d’œil.
Elle dégaine soudainement une mini imprimante portative suspendue sur son côté droit, pour remettre immédiatement l’addition à l’emplacement du client. Le client n’a plus qu’à payer directement.
A l’image de cet exemple, qui semble anodin à première vue, j’ai essayé ici de vous retranscrire l’importance de la philosophie du « Just in time ».
Le « Just in time » permet certes de ne pas faire attendre le client gourmand que je suis, mais permet surtout de fluidifier le flux. Que ce soit dans ma commande, dans le fait d’être servi en direct par le cuisinier, de ne pas attendre à la caisse pour régler mon gargantuesque repas, tout a été pensé pour fluidifier le processus de commande vis-à-vis de mes attentes
En sus de fluidifier le flux, le « Just in time » reste une jolie orchestration synchronisée sur le tempo du client, pour garantir la qualité du service et satisfaire pleinement les attentes du consommateur.
Merci pour cet article qui illustre à merveille le JIT, la culture japonaise et qui, au passage, m’a donné envie d’aller manger quelque sushis ce midi !
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