Muda, Mura, Muri – traduction de Jim Womack

Traduction du billet de Jim Womack paru en 2006 sur le site du Lean Enterprise Institute

 

Il y a 20 ans, lorsque ma première fille est née, les jeunes gens que j’ai supervisés dans le Programme international de véhicules motorisés du MIT lui ont offert un cadeau : c’était un T-shirt rose, taille 1, avec un message sur le devant « Muda, Mura, Muri ».

Ma femme était déconcertée – « Est-ce ainsi que tes gars souhaitent la bienvenue à une petite fille ?! ». Mais je pouvais comprendre. Nous avions fait un effort intense cet été pour comprendre ces nouveaux termes japonais pour les gaspillages (Muda), la variabilité dans les opérations (Mura) et la surcharge des personnes et des équipements (Muri). Ces concepts sont entrés dans nos vies quand John Krafcik a rejoint notre équipe de NUMMI, la joint-venture entre Toyota / GM en Californie. Les garçons voulaient juste partager leur enthousiasme et ont pris la première occasion à portée de main.

A cette époque, notre compréhension était que le concept « Muda, Mura, Muri » était une séquence d’amélioration logique pour les personnes qui réfléchissaient au Lean.

Nous avons suggéré de commencer par les « Muda » : une activité qui est tout simplement un gaspillage car elle n’apporte pas de valeur pour le client mais consomme des ressources. Pratiquement, chez Toyota, Taiichi Ohno avait depuis longtemps fourni une liste des sept types de « Muda » qui était un excellent guide pour l’action. Nous avons donc exhorté les gestionnaires à s’attaquer immédiatement à la surproduction (production par anticipation des besoins), ainsi qu’aux attentes, aux déplacements, aux étapes inutiles, aux stocks, aux gestes inutiles et aux retouches.

Une autre vertu de commencer par le « Muda » était que de nombreuses typologies de gaspillages pouvaient être éliminées localement sans nécessité de coordonner des actions à une plus grande échelle dans l’entreprise ou entre entreprises. Par exemple, les machines pouvaient être déplacées ensemble rapidement dans un exercice kaizen pour créer une cellule : ce qui permettait d’éliminer les gaspillages d’attente, de déplacements, d’inventaire des stocks et de gestes inutiles. Et cela pouvait être fait sans perturber le système de production dans son ensemble ou d’avoir le besoin d’obtenir des permissions. Nous croyions que l’élimination progressive de « Muda » ouvrirait la voie à l’élimination des « Mura » et « Muri ».

C’était la théorie. Mais maintenant, 20 ans plus tard, il est frappant pour moi de constater combien d’efforts nous avons consentis pour éliminer les « Muda » et combien nous avons prêté peu d’attention aux « Mura » et aux « Muri ». À titre d’exemple, les compagnies automobiles américaines viennent d’annoncer de nouveaux programmes d’incitatifs qui permettront de vendre un grand nombre de véhicules sur une courte période, réduisant ainsi les stocks excessifs. Cela conduira à une surproduction supplémentaire dans les usines, ce qui conduira à plus de gestion des stocks, ce qui conduira à plus d’incitations, ce qui conduira à …

Entre-temps, cette variabilité des ventes et de la production, qui est parfaitement étrangère à tout désir exprimé par les clients (un type commun de « Mura »), va miner les efforts de toute l’organisation – des ventes aux achats – pour éliminer les « Muda ».

Et dans la plupart des entreprises, nous voyons encore ce « Mura » qui consiste à essayer de « faire du chiffre » à la fin des périodes de reporting (qui sont elles-mêmes des lots de temps complètement arbitraires). Ces ventes provoquées induisent des commandes plus nombreuses en fin de période et conduisent les gestionnaires de production à aller trop vite pour les satisfaire, laissant de côté, par ricochet, les tâches de routine nécessaires pour maintenir la performance à long terme. Cette vague d’ordres – sur-sollicitant les équipements et les employés à l’approche de la ligne d’arrivée – crée la surcharge « Muri ». Cela entraîne à son tour des temps d’arrêt, des erreurs et des retours – le « Muda » d’attente, les retouches et des transports. Le résultat inévitable est que le « Mura » (la variabilité) crée le « Muri » (la surcharge) qui empêche les efforts précédents pour éliminer le « Muda » (les gaspillages).

En bref, « Mura » et « Muri » sont en fait les causes profondes du « Muda » dans de nombreuses organisations. Pire encore, les Muda, que les gestionnaires et les équipes d’opérations avaient déjà éliminé, réapparaissent.

Donc, aujourd’hui, je donnerais des conseils différents aux garçons du MIT s’ils devaient refaire ce T-shirt. Je leur dirais d’écrire « Mura, Muri, Muda » – même si la mère ne serait pas moins déconcertée –. Et j’ai le même conseil pour les managers – en particulier les cadres supérieurs – qui essaieraient de créer des entreprises Lean :

Ayez un regard attentif sur vos « Mura » et « Muri » lorsque vous commencez à vous attaquer à votre « Muda ». Demandez-vous pourquoi il devrait y avoir plus de variation dans vos activités que celles induites par le comportement de vos clients. Ensuite, demandez-vous comment la variation réelle restante de la demande des clients peut être lissée en interne afin de lisser vos opérations. Enfin, demandez comment les surcharges des équipements et des personnes – quelles qu’en soient les causes – peuvent être régulièrement éliminées.

C’est un travail difficile qui nécessite du courage, car il vous faudra souvent repenser les ventes sur le long terme, la gestion et les pratiques comptables qui créent le « Mura » et « Muri ». Cependant, si vous pouvez éliminer les « Mura » et « Muri », dès le départ, afin de créer un environnement stable pour vos ventes, vos opérations et vos équipes de gestion de l’offre, vous découvrirez que le « Muda » peut être supprimé beaucoup plus rapidement. Et une fois éliminé, il le sera définitivement.

 

Les conseils de lecture de Jim Womack : Deux bonnes façons d’éliminer les « Mura » et les « Muri » sont de lire les ouvrages d’Art Smalley’s : « Creating Level Pull » et celui de Ian Glenday : « Breaking Through to Flow ».

Art se concentre sur la fabrication de pièces à l’unité et montre comment introduire le « heijunka » (lissage de la demande) avec un standard de gestion des stocks soigneusement calculé en aval des installations afin d’éliminer les « Mura » et « Muri » de l’usine.

Ian se concentre sur les industries de traitement par lots, montrant comment stabiliser les opérations afin que « Mura », « Muri » et « Muda » puissent tous être réduits.

Et, si vous êtes encore aux prises avec des termes lean clés (j’avoue que je me trompe parfois, même après toutes ces années), je vous engage à obtenir une copie du « Lean Lexicon ». J’ai eu le mien à côté de moi pendant que je rédigeais cet article pour m’assurer que je n’ai pas dit « Mura » quand je voulais dire « Muri »!

 

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