Dans une PME industrielle de sous-traitance qui a entamé une démarche Lean, le directeur de production met en place à chaque poste de travail, le fameux « bac rouge » dont l’objectif est de protéger le client : je ne passe une pièce à l’opération d’après que si celle-ci est conforme au standard attendu. La semaine qui suit, nous convenons avec ce dernier d’aller voir ensemble sur le terrain pour comprendre les causes d’éventuelles non-conformités.
La non-conformité qui n’en est pas une
Nous arrivons à hauteur de Carine qui travaille sur une presse plieuse : « Bonjour Carine, ça va ? Peut-on regarder ensemble ce qu’il y dans ton bac rouge ? »
Elle acquiesce, nous montre une pièce présentant ce qui ressemble à une trace d’huile et nous explique que le client ne recevra que 364 pièces sur les 365 commandées à cause de cette pièce, à priori mauvaise.
Nous lui posons donc la question : « Qu’est-ce qui ne va pas avec cette pièce ? »
Cette dernière de nous répondre : « Il y a une tâche ! J’ai frotté, ça ne part pas ! »
En guise de justification, elle prend la pièce, la frotte : la tâche ne part pas.
Nous lui proposons, d’essayer à nouveau en utilisant une méthode différente.
Elle s’en va donc chercher un produit spécifique, frotte à nouveau la pièce et là : miracle, la tâche s’en va ! Un peu gênée, celle-ci nous explique qu’elle devait se dépêcher en raison du départ imminent de la commande.
Je lui explique que ce n’est pas grave et lui pose la question de ce qu’elle a appris.
Carine nous répond : « Si j’avais pris le temps d’essayer différemment, le résultat aurait été différent ! »
La conformité que l’on a vu mais que l’on ne résout pas
Nous continuons notre tour d’usine et nous arrêtons cette fois aussi au niveau de Dominique : « Peut-on regarder ensemble ce qu’il y dans ton bac rouge ? »
Il nous y emmène et nous montre 10 pièces d’une même référence présentant le même défaut : « Pourquoi la pièce-elle est mauvaise Dominique ? »
Dominique : « Eh bien, elle est tordue, on ne peut pas envoyer ça au client »
Je lui explique que c’est bien d’avoir vu que c’était non conforme au standard du client et poursuit : « Pourquoi est-elle tordue ? »
Dominique très sûr de lui : « Ah, c’est normal, c’est parce que le matin, quand on commence à produire, la machine n’est pas chaude, du coup elle poinçonne mal ! » et ajoute: « Les premières pièces sont toujours mauvaises, c’est normal! »
A la fin de sa réponse, prenant conscience de ce qu’il venait de dire, son visage change d’expression. Nous décidons de ne pas insister et poursuivons notre tour.
Le lendemain, nous retournons le voir : « Comment ça va aujourd’hui Dominique ? »
Ce dernier, comprenant fort bien de quoi il retournait, avec un grand sourire répliqua : « Impeccable! J’ai allumé la machine 10 minutes avant de commencer la production, pas de rebut aujourd’hui ! »
Avec cette réponse, rien à ajouter.
Le bac rouge pour voir, le « pourquoi » pour comprendre, mais pas que…
En posant 5 fois au collaborateur la question « pourquoi » :
- on s’intéresse à son travail (respect for people),
- on donne du sens à son travail,
- on développe « sa jugeote »: on lui apprend à avoir un regard critique sur ce qu’il fait, il apprend à voir les choses et développe ses compétences en résolvant des problèmes,
- on élimine les gaspillages,
- et SURTOUT on permet au client de recevoir exactement la qualité attendue, dans la quantité attendue et les délais.
Une réflexion sur “Le bac rouge sans « pourquoi », c’est comme le « H » de Hawaii, ça ne sert à rien !”