Récemment, j’ai accompagné un groupe de managers d’une entreprise de formation à distance. Cette entreprise à forte croissance (2 chiffres !) utilisait déjà le Lean management dans plusieurs équipes avec des résultats spectaculaires et souhaitait le déployer à l’échelle de toute l’entreprise.
La forte croissance de l’entreprise implique des besoins en recrutement très importants : au total plusieurs dizaines de collaborateurs par mois : vendeurs, formateurs, coachs, support… Noémie, l’une des managers que j’accompagnais, était justement en charge du recrutement des « coachs ».
Quand nous avons démarré l’accompagnement Lean, Noémie m’a immédiatement remonté le sujet sur lequel elle voulait travailler : « Je veux réussir à recruter les coachs attendus, ils sont en sous-effectif, c’est très dur pour eux, ils ont du mal à assurer les sessions prévues. Et pour l’instant, je suis loin de l’objectif. » Nous avions donc notre sujet d’amélioration.
En Lean, l’amélioration passe par la résolution de problème : une démarche structurée autour du PDCA (Plan Do Check Act), je vous recommande sur le sujet cette vidéo d’introduction :


1ère étape : le « Plan », ou l’art de bien poser le problème !
En Lean, un problème est un écart entre l’attendu du client et la situation actuelle. Je demande donc à Noémie : quel est ton objectif de recrutement mensuel ? Quelle est la situation actuelle ?
Sa 1ère réponse est : « l’objectif varie chaque mois, parfois même juste avant la date butoir… la date elle-même fluctue… c’est compliqué, ils ne savent jamais vraiment à l’avance… ».
Afin de se confronter à la réalité, on décide d’aller sur le terrain et de regarder ce qu’il s’est passé sur les 5 derniers mois : objectifs fixés et nombre de coachs recrutés. On observe aussi la date « limite » à laquelle il faut avoir recruté le nombre de coachs. Effectivement, il y a quelques fluctuations mais au final la moyenne est de 10 coachs à recruter par mois et le nombre de coachs actuellement recrutés est de 6,66 coachs/ mois. On a donc notre écart :
3,4 coachs à recruter en plus chaque mois.

Une fois l’écart mesuré, il est intéressant de se poser la question de l’impact de ce problème : est-ce un simple caillou dans la chaussure ou un problème qui coûte beaucoup à l’entreprise et peut avoir des conséquences sur la qualité de vie des collaborateurs.
Je demande donc à Noémie quel est l’impact pour :
les clients finaux,
l’entreprise
et enfin pour elle et son équipe.
Pour ses clients, Noémie m’explique qu’effectivement plusieurs clients s’étaient plaints de la qualité du coaching (un peu rapide, coach absent, risque de rater mon examen…). Ces retours étaient directement liés à des sessions de coaching décalées, annulées ou écourtées à cause du nombre insuffisant de coachs. Certains l’ont même souligné dans les réseaux sociaux ce qui nuit à l’image de l’entreprise. Ensuite, comme l’équipe des coachs est en sous-effectif, les heures supplémentaires s’accumulent (+25 k€ sur 6 mois), certains coachs sont en arrêt de travail car la fatigue elle aussi, s’accumule.
On comprend bien que ce problème est loin d’être anecdotique et que les enjeux sont forts tant du point de vue humain que du point de vue financier.
Toujours dans l’étape du « Plan » (oui, c’est l’étape la plus longue mais après tout s’éclaire !), je demande à Noémie de clarifier son processus de recrutement :

Sur ce processus, nous ajoutons des « bacs rouges ». C’est une technique Lean venant de l’industrie qui permet de mettre en évidence les « défauts » : on met dans ces bacs les pièces qui ne sont pas au niveau de qualité attendu. Ici, les bacs rouges sont les candidatures qui sont rejetées par le recruteur. Le processus de sélection étant en entonnoir, des candidats sortent du processus de recrutement à chaque étape.

Ce processus de sélection ressemble à un entonnoir. Nous comprenons qu’il faut analyser environ 514 CV chaque mois pour avoir 10 candidats recrutés (dernière étape).
Noémie est satisfaite de l’avancement de son PDCA, elle a maintenant une bonne compréhension de son problème qui est désormais mesurable.
Mais la question qu’elle se pose maintenant est : pourquoi un tel écart ? Pourquoi tant de candidatures écartées lors de l’entretien téléphonique ? Pourquoi certains abandonnent après l’immersion ? Pourquoi est-ce que des candidats refusent notre proposition de contrat (2 par mois environ) ?
Il est temps d’analyser les causes de chacun de ces bacs rouges. Noémie commence par formuler des hypothèses, que nous allons ensuite confronter une nouvelle fois à la réalité du terrain !
Voici quelques-unes des causes avérées identifiées par Noémie :
- L’équipe de Noémie est en cours de construction : 3 arrivées et 2 départs en 4 mois, des stagiaires qui ne restent que quelques mois. Cette situation (ou ces changements au sein de l’équipe créent) crée des difficultés pour passer les consignes, pour former et communiquer le niveau d’exigence attendu à chaque étape…
- L’équipe est sous-staffée : en effet, maintenant que nous avons une bonne idée des volumes de candidatures à analyser à chaque étape, avec une simple règle de 3, nous pouvons estimer le travail à fournir pour l’équipe pour réussir à recruter les 10 coachs par mois. Noémie se rend compte qu’effectivement il manquait 0,5 ETP environ sur ces 3 derniers mois pour traiter le volume de candidatures.
- Le processus de recrutement présente de nombreux gaspillages : par exemple à l’étape de l’entretien téléphonique, elle passe 10 min à présenter l’entreprise à chaque candidat. Parmi les candidatures non retenues après l’entretien physique (45 min), 80 % d’entre elles (bacs rouges) auraient pu être écartées dès l’entretien téléphonique. A cette occasion, Noémie se rend également compte que la grille d’entretien téléphonique est approximative. Cette grille est en fait plutôt une liste de thèmes à aborder (motivation, expérience, distance domicile…), mais elle ne comporte rien sur les questions précises à poser au candidat ni sur les attendus permettant de valider une candidature.
- Enfin, 1 candidat chaque mois se désiste au dernier moment (après signature du contrat ou juste avant) pour les raisons suivantes : autre poste + proche du domicile (x2), autre poste mieux rémunéré (x1), autre poste plus intéressant. C’est une priorité pour l’équipe de Noémie car le temps cumulé pour recruter une personne est d’environ 3h30. Le gaspillage de temps est donc particulièrement important pour les candidats qui refusent à la dernière étape.

2e étape : le « Do », place à l’action !
Noémie a maintenant une très bonne compréhension des différentes familles de causes qui l’empêchent aujourd’hui de recruter 10 coachs chaque mois avec son équipe.
Elle décide de tester un certain nombre d’actions ou de contre-mesures. Ici on ne parle pas encore de solutions car on ne sait pas encore si ces bonnes idées vont améliorer l’objectif initial (10 coachs recrutés chaque mois). Chaque contre-mesure est reliée à une ou plusieurs causes identifiées précédemment. L’étape suivante de notre PDCA, le Check, permettra de vérifier le résultat obtenu.
Voici quelques-unes des contre-mesures mises en place :
- Afin de clarifier la cible à atteindre et le délai, Noémie décide de se fixer comme objectif mensuel 10 coachs à recruter pour le 1er lundi de chaque mois. Elle valide cet objectif avec la directrice du coaching qui lui donne son feu vert.
- Noémie forme sa collègue Alicia nouvellement arrivée et dédiée au recrutement des coachs. Son objectif est qu’Alicia soit formée sur chacune des étapes du processus pour la fin du mois (20 jours).
Résultat : Alicia se sent autonome dans le délai imparti - Noémie et Alicia vont mettre en place des sessions de recrutement par groupe de 6 personnes (auparavant, même discours répété 89 fois/ mois!).
Résultat: gain de temps de 1j /mois. Au passage, elles ont amélioré leur trame de présentation avec les questions les plus fréquentes des candidats. - Noémie a décidé d’avancer l’étape d’Immersion pour éviter un gaspillage (pertes de temps) dus à des candidats qui abandonnent après l’Immersion (ce job n’est pas fait pour moi).
Résultat : gain de temps de 3,2j / mois - Mise en flux du processus de recrutement : pour réussir à recruter 10 coachs par mois, combien dois-je analyser de candidatures à chaque étape du processus… c’est le plan de production ! Noémie et Alicia construisent donc leur plan de production journalier et hebdomadaire sans oublier de prévoir le temps pour tous les « à côtés » (réunions, autres activités)…

Pour piloter ce plan de production, elles décident de se voir tous les matins pendant 15 mn pour répondre aux 3 questions suivantes :
- A-t-on réussi à tenir l’objectif ?
- Quels ont été les obstacles rencontrés ?
- Que doit-on réussir aujourd’hui ?
Les obstacles identifiés jours après jour ont été l’occasion de faire de la résolution de problème menant à la mise en place de petites améliorations : check-list, raccourcis, template de mails…

3e étape de notre PDCA, le « Check » : a-t-on réussi ?
Avec une certaine fierté, Noémie a annoncé à la directrice du coaching qu’elle avait atteint l’objectif fixé
environ 8 semaines plus tard. Au total, entre le début de l’accompagnement et l’atteinte de l’objectif, il se
sera écoulé 4 mois :

De plus, Noémie et son équipe retrouvent davantage de sérénité : l’objectif à atteindre est clair, de même que la date butoir. Pour atteindre cet objectif, elles savent exactement ce qu’elles doivent réussir chaque jour grâce au plan de production. Enfin, elles ont clarifié et amélioré de nombreux outils et grilles de recrutement afin d’être plus efficace.
4e étape de notre PDCA, « Act» : comment pérenniser ces
pratiques ?
Durant ce PDCA, Noémie a découvert d’autres obstacles. Certaines causes ont été révélées lors de la mise en flux notamment le manque de CV en entrée du processus de recrutement !
Noémie a donc ouvert un 2e PDCA pour augmenter son sourcing et si possible améliorer la qualité des CV reçus (diminuer le nb de bacs rouges au début). Parmi les actions entreprises : rafraîchir les annonces toutes les semaines plutôt que tous les mois, revoir le texte de l’annonce (A/B testing), essayer de nouveaux canaux (réseaux sociaux)…
En 1 mois, le nombre de CV retenus a augmenté : +68 CV !
Noémie souhaite maintenant expérimenter cette approche sur d’autres types de recrutement de son service.
A l’issue de l’accompagnement Lean, j’ai demandé à Noémie ce qu’elle avait préféré dans cette démarche, voici ses 3 verbatims:
Apprendre une nouvelle méthode de travail et avoir des outils pratiques qui me servent au quotidien.
Bousculer les croyances et m’aider à mieux appréhender mon poste
Le coaching pour mettre en pratique sur nos sujets quotidiens.
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2 réflexions sur “Le lean pour accélérer le recrutement”