Ce post vise à proposer une approche concrète face à une question très ouverte.
Vous avez donc rencontré le lean, d’une façon ou d’une autre : par des articles ou des livres, une connaissance qui vous en a parlé, un patron ou un client qui vous demande de vous y engager. Vous seriez prêt à faire un premier pas mais par où commencer ? Les réponses trouvées dans la littérature semblent souvent obscures :
- « ici et maintenant », cf Le Projet Lean en France
- « trouvez un senseï », J. Liker, quoique senseï veuille dire
- « commencez par le client », comme le dit l’Institut Lean France ici, point de vue auquel j’adhère bien sur,
- Etc….
Soyons pragmatiques : commencez par vous faire une opinion par vous-même !
Une fois la littérature bien explorée et le partage d’expérience bien avancé, levez le doute : y a-t-il une chance que cela vous apporte, à vous et à votre entreprise, quelque chose ? Vous forger une opinion est indispensable avant d’entrer dans une démarche lean car votre conviction vous permettra d’embarquer vos collaborateurs dans ce voyage très particulier.
L’exercice est assez simple : aller et voir. Faites-le de façon lean, c’est là le point clé.
1. Les trois endroits à observer :
a. Le point de sortie du processus que vous avez choisi
C’est l’endroit de ce processus le plus proche du client, c’est donc là que vous pouvez voir en quoi tous vos efforts d’organisation, de structuration, d’outillage, etc… portent ou non leurs fruits.
Ce qu’il faut voir à cet endroit :
- la nature du produit livré,
- sa qualité,
- le délai entre la demande et le point que vous observez,
- la quantité et le rythme.
Le point clé : rester zen. La colère, la désapprobation, la déception ne serviront pas vos intérêts. Vous avez besoin de créer une culture de la confiance grâce à laquelle les problèmes opérationnels seront posés sur la table et non cachés sous le tapis. Vous trouverez quelques conseils pour « bien voir » en fin de lecture.
b. La marche le long du processus
Revenez au point de départ du processus qui vous intéresse (ou un point intermédiaire s’il est trop long) et demandez qu’on vous montre à chaque étape :
- ce que le collaborateur reçoit,
- comment il intervient sur la demande,
- à qui et comment il transfère ce qu’il a produit.
Vous pouvez ajouter une question supplémentaire : vous arrive-t-il de devoir retravailler une commande (un bug à corriger, une facture à refaire, etc) ? Et si oui, pourriez-vous me montrer un cas que vous avez à traiter aujourd’hui ?
Le point clé : s’intéresser à une demande simple et la suivre. Ce qui veut dire, en miroir : ne pas entrer dans une discussion de café du commerce : « d’habitude, cela se passe ainsi » ; « je vous décris le processus ». Voir, c’est voir. Ce n’est pas papoter.
c. Le client
Confrontez-vous à ce que disent vos clients, au moins sur deux aspects :
- Êtes-vous satisfait de nos services / produits ?
- Est-ce facile d’être client de notre entreprise ?
En BtoB, prenez un café avec vos clients. En BtoC, regardez ce qu’ils disent sur les réseaux sociaux ou les questions qu’ils posent aux centres d’aide.
Les moyens sont multiples.
Le point clé : restez sur des questions ouvertes et ne travaillez pas à partir d’une synthèse, qui sera toujours sans relief. Lire des verbatims est bien plus enrichissant.
2. Faut-il agir ?
Oui, bien sûr, si vous voyez une situation à risque d’accident du travail ! Le management doit être en permanence attentif à la sécurité des personnes.
Oui, si vous voyez quelque chose de simple à faire qui facilitera la vie des personnes qui vous reçoivent. Exemple : « ces postes de travail sont mal éclairés, j’appellerai la maintenance en sortant ». Ce sera largement suffisant à ce stade.
Et sinon ? Surtout, refrénez-vous ! Quand vous aurez avancé sur votre chemin du lean management, cela deviendra plus clair : votre rôle n’est ni de prendre en charge les problèmes que vous voyez (le manager lean n’est pas un « servant leader ») ni de décider de ce qui doit être fait pour les résoudre. Il va falloir apprendre à engager chacun dans l’amélioration et, à ce stade, vous n’êtes pas prêt.
3. L’analyse de vos observations
Après chacune de vos observations, faites l’inventaire de ce qui vous a marqué. Restez au niveau de l’étonnement, ne cherchez ni justification ni action à ce stade. Soyez confiant, le lean vous permettra de trouver un chemin pour améliorer ce qui doit l’être.
Si vous vous dites que tout va bien et que rien ne vous surprend, avez-vous vraiment besoin de vous lancer dans le lean ? (cela n’arrive jamais 😊) Si vous êtes surpris, reculez d’un pas et posez-vous la question de savoir en quoi votre entreprise serait plus compétitive si vous étiez excellent sur les sujets qui vous interpellent.
4. Trouvez votre coach lean
C’est le bon moment ! Votre intérêt pour le lean a été renforcé par les surprises que vous avez eues sur le terrain. Vous avez maintenant besoin de plonger, ainsi que votre organisation, dans l’amélioration avec quelqu’un qui pourra vous en fournir les clés.
Un bon coach lean doit être smart dans le sens où il comprend vos problématiques d’entreprise tout en étant capable d’aller sur le terrain pour montrer le chemin.
Un bon coach lean doit maitriser la boite à outils finement, pour ce qu’elle est : une formidable machine à faire émerger de la réflexion à chaque poste de travail pour que chacun puisse améliorer dans son environnement.
Ceux qu’il faut fuir : les apporteurs de solution et les coachs psychologues. Votre coach doit rester sur les faits, sur le terrain, sur le questionnement.
5. Un conseil de lecture ?
Faites-vous accompagner par Jim Womack, père fondateur du mouvement lean, que vous trouvez ici : « Gemba walks ».
Quelques conseils pour vos observations
Le sujet abordé est celui des observations au point de sortie du processus
La nature du produit livré.
On n’est pas à l’abri de surprises : des techniciens de maintenance qui livrent des courriers, des informaticiens qui oublient de livrer du code mais sont fiers de leurs comptes-rendus de réunion, des back offices immobilier qui construisent des reportings sur des hypothèques qu’ils ne prennent pas. Ou, moins absurde : une livraison logicielle de 6 fonctionnalités techniques, 3 corrections de bug et quand même 1 fonctionnalité demandée par le client. Tout est possible, donc regardez le produit lui-même avant toute chose.
La qualité du produit, avec les yeux de votre entreprise et en imaginant ce qu’en perçoit le client.
Qu’en pensez-vous ? Qu’en pensent les gens autour de vous ? Des courriers importants qui partent mais avec des fautes de grammaire et d’orthographe, dans des enveloppes pas très propres, sur du papier à en-tête avec les anciens logos, j’en ai vu beaucoup. Certains éléments de la qualité sont faciles à appréhender (a-t-on vraiment répondu à la question du client dans ce centre de contact ?), d’autres demandent une bonne connaissance du métier, une connaissance que vous avez. Faites-vous une opinion.
Le point clé : soyez attentif à ne pas vous limiter à la conformité de ce que vous voyez. Oui, le processus prévoit de sortir « cela » mais vous ne cherchez pas à savoir si on a appliqué le processus, vous voulez savoir s’il délivre un produit de qualité.
Les délais
A nouveau, regardez les délais du point de vue du client uniquement. Prenez les produits que vous avez sous les yeux et posez vous la question : était-ce rapide ? Long ? Très très long ?
Quatre mois pour enrichir une requête informatique banale de 27 caractères, vingt-cinq jours pour ouvrir un flux CFT, trois semaines pour accéder à un nouveau poste de travail, c’est très long. Seize jours pour ouvrir un compte client, deux pour qu’un virement bancaire soit réalisé, c’est long.
Si personne ne peut vous répondre sur le délai, c’est aussi très intéressant : le sujet ne concernerait-il personne ? A part le client, bien sûr.
A nouveau, ne cherchez pas à savoir si tout cela est conforme à une norme interne particulière. Mettez les lunettes du client : êtes-vous à l’heure ou en retard par rapport à ce que vous aviez promis ? Le niveau de votre promesse est-il satisfaisant pour votre domaine ?
Les quantités et le rythme
C’est souvent, en ce qui me concerne, le plus difficile à bien voir.
Si vos clients commandent des produits multiples (4 compteurs), regardez s’il y en a bien 4 d’installés. Comme pour les délais, il est parfois difficile de retrouver la demande initiale et on navigue à vue.
Si vos clients commandent de façon unitaire, cherchez à savoir combien de commandes arrivent chaque jour (une moyenne, à ce stade ce sera suffisant). Puis comparez avec les quantités qui sont livrées. S’il y a 6 demandes par jour et 2 livraisons, ou 10, dans ce que vous voyez, c’est que votre organisation n’est pas au rythme du client.
Que faire si nous n’arrivez pas à « voir »
Prenez en note ! Dans 95 % des cas, cela veut dire que le sujet (délai, qualité, quantité) est largement perdu de vue par vos collaborateurs. Vous avez une mine d’or d’amélioration.
Souvent, on vous répondra que la « machine le sait » ou qu’on « le sait parce que c’est dans la machine ». Vous le savez bien qu’il existe des reportings sur tout, mais ce n’est pas la question. Ce que vous venez de voir est que plus personne sur le terrain ne sait si les clients sont bien servis.
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