Le Gemba client : une nécessité, épisode 2

Rappel de l’épisode précédent :

Une des pratiques fondamentales du Lean consiste pour l’entreprise à comprendre la valeur de ses produits ou services du point de vue de ses clients. Cette pratique s’apprend sur le terrain, sur le gemba, là où les choses se passent. Pour découvrir ce que les clients attendent, pour comprendre ce qui les fait rêver, il est nécessaire d’aller à leur rencontre. Pourquoi la pratique du Gemba client est une nécessité : récit d’une expérience client qui a débuté le 31 mars.

Ne me faites pas perdre mon temps :

Jeudi 6 avril, 6 jours plus tard : Cette histoire commence à m’agacer. Je me rends à mon appartement récupérer l’avis de passage. Arrivé sur place force est de constater que, de l’avis de passage, il n’y en a que l’idée. Zut ! Je n’ai pas mis mon nom sur la boîte aux lettres. Donc le colis se trouve au bureau de poste. Sans avis de passage je ne pourrais pas le récupérer. Je pars chez mon client. A la pause déjeuner, je me résigne. J’appelle le service client de l’opérateur. Ça sonne, la voix nasillarde du serveur vocale égrène ses options. Je vais jusqu’à l’épuisement des possibilités. Il n’y a pas l’option « Posez votre question à un conseiller ? ». Je raccroche. Je recommence. C’est de ma faute. Je n’écoute pas avec suffisamment d’attention. J’ai trouvé, enfin, un humain pour me parler. Yes ! J’avoue qu’à ce moment un sentiment d’allégresse m’effleure. Bonjour Madame… Bonjour Monsieur que puis-je pour vous ? J’explique. Silence… Question. Je réexplique. Ha je ne vais pas pouvoir vous aider monsieur. Désillusion. Je vous conseille d’appeler le bureau de poste le plus proche de chez vous. Donnez-leur le numéro de commande qui figure sur votre courrier. Ils retrouveront le colis et pourront vous dire si le facteur va repasser ou si vous devez aller le chercher. Bien, merci, bonne journée. C’est sûr ça ? Léger stress. Deuxième service support de la journée.

J’appelle Google qui me donne très rapidement les coordonnées du bureau. Je compose le n° de téléphone. Ça sonne. J’attends. La voix nasillarde du serveur vocale égrène ses options. Là je suis plus performant je repère rapidement la bonne option que je sélectionne. Le serveur vocal m’informe qu’il va falloir attendre, mais, que si je le souhaite je pourrais être rappelé… dans les prochains jours ouvrés… J’attends. Une voix sort du haut-parleur, tiens déjà ? 3 minutes d’attente seulement, un record. Bonjour que puis-je faire pour vous ? J’explique. Avez-vous le code barre du colis ? Consternation. Le code barre du colis ? Où figure-t-il ? Votre opérateur ne vous l’a pas donné ? Silence. Est-elle en train de me dire qu’il faut que je rappelle le service client de l’opérateur ? Heu… non. Dans ces conditions, je vous conseille de rappeler votre opérateur. Il a le code barre. Sans cela nous ne pouvons pas retrouver le colis. Nous ne les trions plus par adresse. C’est bien ça, j’ai bien compris, je dois les rappeler une nouvelle fois. Bonne journée madame. Garder son calme, inspiration, expiration. Le faire 4 fois. Navy Seals.

Je recompose le numéro du service client de l’opérateur. Ça sonne, la voix nasillarde du serveur vocale égrène ses options. Je sélectionne la bonne du premier coup. Je progresse. J’optimise ma perte de temps. Ça sonne. J’attends. Bonjour Monsieur que puis-je pour vous ? Je reconnais la voix de l’opératrice. L’explication est plus rapide. Avez-vous le code barre ? Quel code barre ? Et bien celui lié à la commande. Ha ! Mais nous n’avons pas de code barre. Nous avons envoyé le modem par Taxi Poste. Silence. Comment comptez-vous faire alors ? Parce que à La Poste c’est un code barre qu’ils veulent. Je ne peux rien pour vous Monsieur, je suis désolé. Le colis est perdu alors ? Pouvez-vous me renvoyer un modem ? Je veux bien mais je vais être obligé de vous le facturer deux fois. Pardon ? Oui, c’est ce qu’indique le système et je ne sais pas comment faire autrement. Non… Si. Vous êtes certaine ? Oui. Vraiment ? Heu… Attendez je vais demander à ma supérieure. Patientez s’il vous plait. Respiration…Monsieur ? Oui. En fait ma chef est en… réunion. (Ah ben oui c’est une chef forcément). Je vous rappelle dans 10 minutes sans faute. J’attends (toujours) votre appel, bonne journée madame.

Quand je veux :

Vendredi 7 avril, 7 jours plus tard : yes ! Un avis de passage ! Enfin… je n’ai toujours pas mon modem.

Où je veux :

Samedi 8 avril, 8 jours plus tard : je cours à la poste. Je me transforme en usager et je fais la queue. Je déteste ça. 15 minutes plus tard, c’est enfin mon tour. Bonjour. Bonjour ! Carte d’identité !!! (S’il vous plait). Tenez. La préposée disparaît dans l’arrière-boutique et revient avec un énorme carton à moitié éventré réparé avec du scotch. Désolé le carton a subi des dommages. Consternation. Je vois ça. Je jette un œil un peu surpris par la taille du carton compte tenu de ce qu’il est censé contenir : un petit modem. Effectivement au fond il y a une autre boite beaucoup plus petite. Je vais prendre seulement ce petit carton là, si vous voulez bien. Non ! Comment ça non ? Nous n’avons pas de poubelle pour les cartons ! Vous devez prendre le tout.  Il y a une poubelle devant l’entrée. C’est à vous de jeter le carton dedans ! Navy seals (x8) !!!!! Après tout je ne suis qu’un simple usager. Je prends mon modem, je sors et je jette ce fichu carton sur la poubelle qui déborde. Je rentre. Je pars en week-end.

Ma satisfaction client est au plus bas.

Répondez à toute ma demande :

Dimanche 9 avril 22 heures, 9 jours plus tard : Fébrile, je déballe le carton du modem. Je vais enfin pouvoir tester ma nouvelle connexion internet. J’étale le contenu de la boite sur la table du salon. Mon regard passe de la table à la prise téléphonique au bas du mur et de la prise téléphonique à la table. Il faut se rendre à l’évidence. Je range tout dans le carton. La prise téléphonique et le filtre ADSL ne sont pas dans la boite. Impossible de brancher le modem !

Je lis la documentation. « Si la prise téléphonique et/ou le filtre ADSL ne sont pas dans la boite rendez-vous dans une de nos boutiques pour vous les procurer. » Je n’en reviens pas. L’insatisfaction client est organisée !

Quand je veux :

Lundi 10 avril : déplacement.

Mardi 11 avril : déplacement.

Ne me faites pas perdre mon temps :

Mercredi 12 avril, 12 jours plus tard : Je me rends dans une boutique de l’opérateur chercher la prise téléphonique et le filtre. Attente 30 minutes. Je repars avec la prise et le filtre. 22 heures, je sors le modem. Ce coup-ci ça y est j’ai tout. Ça ne devrait pas prendre plus de 5 minutes pour effectuer le branchement. Je branche la prise téléphonique puis le filtre. Je connecte le fil bleu au modem puis au filtre. Je branche le modem. J’appuie sur le bouton ON. Des lumières bleues se mettent à clignoter. Et conformément à la documentation j’attends. Au moins 30 minutes. J’attends.

Soyez fiable :

Mercredi 12 avril, 12 jours plus tard : 30 minutes plus tard la connexion semble établie. Je repère le nom du réseau et les informations de connexion à l’arrière de la box.

J’ouvre mon portable. Je configure la connexion. Incroyable ça marche. Le wifi est connecté ! J’ouvre le navigateur web. Je tape une URL au hasard et ça marche pas : « Vous n’êtes pas connecté à Internet ». Consternation. Pourtant les voyants sont allumés…

Rapide coup d’œil à la documentation. Ha, non, pas tous les voyants. Celui qui ressemble à une mappemonde n’est pas allumé. J’éteins tout.

Résigné, je prends mon téléphone et je prends rendez-vous avec un technicien, le samedi suivant sur la plage horaire 8:00-12:00. Et voilà ! moi qui ne savais pas quoi faire ce samedi matin-là. « Il fût un temps où internet n’existait pas… » Sur cette pensée je vais me coucher.

Quand je veux :

Samedi 14 avril 8 heures 15, 14 jours plus tard : L’opérateur se présente et repart 2 heures plus tard après avoir tester la ligne dans l’appartement, être descendu à la cave, découvert avec effroi l’imbroglio de fils, remonté, testé une deuxième fois la ligne, reparti au bornier dans la rue, disparu une nouvelle fois dans la cave, remonté tester la ligne une troisième fois, juré que vraiment quand même ce n’est pas possible un tel bazar, reparti dans la cave, ressorti dans la rue, revenu et enfin, enfin, brancher le modem pour attendre encore les fameuses 30 minutes. Et finalement au bout de 14 jours le miracle a eu lieu la connexion a été établie avec le réseau mondial, le web, la toile. Alléluia, alléluia !

Tiens c’est quoi cette prise et ce filtre à côté du modem ?

Dans cette demande pourtant triviale d’un accès à internet basique, mon expérience client a été mise à rude épreuve. Aucune de mes attentes n’a été satisfaite. Je souhaitais un service immédiat et qui fonctionne du premier coup. Le service qui m’a été offert a été long et laborieux depuis la souscription du contrat jusqu’à la mise en service de la connexion.

En se donnant la peine d’aller sur le Gemba de son client, cet opérateur aurait pu découvrir plusieurs axes d’améliorations concernant :

La satisfaction client tout d’abord :

  • Au niveau du processus d’accueil en boutique : en apprenant au personnel à mieux écouter le client et à ne pas proposer de produits qu’il ne souhaite pas acheter.
  • Au niveau du processus de livraison : en proposant des modems à emporter directement plutôt que de l’obliger à se déplacer chez un tiers.
  • Au niveau du produit : en proposant une boite complète contenant la prise téléphonique et le filtre ADSL permettant de connecter directement le modem afin d‘éviter un déplacement inutile en boutique.

Son service technique ensuite :

  • En réfléchissant à de meilleures pratiques afin de rendre la tâche des techniciens beaucoup plus aisée. Ce qui au passage permettrait de servir plus de clients de réduire les coûts de maintenance et de fiabiliser les installations.

La pratique du Gemba client est donc essentielle. D’une part, elle permet de mieux comprendre ses produits et donne des pistes pour les rendre plus attrayants aux yeux des clients. D’autre part, elle met en évidence des axes d’amélioration au niveau des processus et des pratiques d’ingénierie pour de meilleures conditions de travail et une plus grande efficacité opérationnelle.

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