Une des pratiques fondamentales du Lean consiste pour l’entreprise à comprendre la valeur de ses produits ou services du point de vue de ses clients. Cette pratique s’apprend sur le terrain, sur le gemba, là où les choses se passent. Pour découvrir ce que les clients attendent, pour comprendre ce qui les fait rêver, il est nécessaire d’aller à leur rencontre.
Dan Jones dans son livre « Le Lean au service du client » explique qu’un produit ou un service rend un client heureux s’il satisfait aux 5 attentes suivantes :
Prenons un exemple concret pour illustrer son propos. Allons sur le Gemba.
Disposant d’un nouvel appartement, je souhaite y installer une connexion Internet. En reprenant la grille ci-dessus mes attentes sont les suivantes :
Répondez à toute ma demande :
1 – Je souhaite souscrire à l’abonnement Internet le moins cher.
2 – Je souhaite disposer d’un modem me permettant de me connecter en wifi depuis mon nouvel appartement.
Quand je veux :
3 – Je souhaite repartir de l’agence avec le modem.
4 – Je ne veux pas attendre l’intervention d’un technicien pour brancher le modem.
5 – Je veux une connexion opérationnelle en rentrant chez moi immédiatement après le branchement du modem.
Où je veux :
6 – A cette nouvelle adresse.
Soyez fiable :
7 – L’accès à Internet fonctionne avec le wifi dès la première connexion.
Ne me faites pas perdre mon temps :
8 – Je ne veux rien avoir à configurer.
Rien de bien original dans tout cela. Au même titre que l’eau et l’électricité, l’accès à Internet est une commodité. Il est donc légitime de s’attendre à ce que chacune de ces attentes soit satisfaite d’un claquement de doigt. Un petit tour sur le Gemba va nous montrer qu’en fait pas du tout. Étonnant ?!
Tout commence le vendredi 31 mars 2017. Je me rends dans une boutique d’un opérateur bien connu en Belgique. Il n’y a personne. Ça commence plutôt bien, je ne vais pas perdre mon temps dans une queue interminable à calculer les écarts entre le temps de cycle et le takt time. J’ai le sourire.
Répondez à toute ma demande :
Vendredi 31 mars : J’explique mon besoin au vendeur : souscrire à l’abonnement Internet le moins cher.
Celui-ci m’explique qu’il y a une promotion sensationnelle sur le pack Internet-TV-mobile. Et que « vraiment, ce serait totalement inconscient de ma part de ne pas en profiter, là, maintenant, tout de suite car après, cher Monsieur, eh bien ce sera trop tard« . Je lui explique que je suis profondément désolé mais que vraiment, vraiment cette offre ne m’intéresse pas. Ce que je souhaite par-dessus tout c’est cette offre Internet, oui celle-là, la moins chère. Le vendeur me regarde d’un drôle d’air. Vous êtes certain de votre choix ? La télévision ? Non ? Pas la télévision ? Pourtant le bouquet est… Non ! Bien, bien, donc vous voulez simplement un accès à Internet alors ? Il me semble avoir été suffisamment clair… Cher Monsieur, permettez-moi de vous conseiller, j’ai ce qu’il vous faut. Avez-vous considéré cette offre-ci, très avantageuse, qui vous permet d’avoir une bande passante bien plus importante que l’offre de base ? ( Garder son calme, inspiration, expiration. Le faire 4 fois. J’ai lu ça dans un article de Medium sur les Navy Seals.) Je suis loin du DSLAM. Oui mais cette offre vous donne droit à un débit plus important. Je suis loin du DSLAM. Hum, bien, bien, je comprends. Donc c’est l’offre à 27 € que vous souhaitez c’est bien cela ? Navy Seals. Oui. Poker face. Pouvez-vous me donner votre carte d’identité ? Pardon ? Oui pour savoir si c’est bien vous ? A mais vous avez déjà un abonnement internet. Oui à une autre adresse. Pouvez-vous me donner votre adresse mail ? Mais je suis déjà client non ? Vous avez déjà cette information. Oui mais c’est pour être sûr. Ah oui… pour être sûr… Bien tout est en ordre. Vous recevrez votre modem dans un point relais ou préférez-vous la poste ? Consternation. (Donc je ne vais pas repartir avec le modem. C’est ça qu’il est en train de me dire le gars ?) Résignation. Bon, le point relais ou la Poste ? Le point relais, c’est sûr, il va pas être à côté, au moins la Poste je sais où elle est. Bon allez, va pour la poste. Je préfère la Poste. Bien vous recevrez votre modem dans quelques jours. Au fait, la ligne, elle sera activée quand ? Nous sommes vendredi, hum… dans 3 jours au plus tard. Comptez milieu de semaine. Et pour le modem ? Pour le modem ça dépend mais comptez le 5, pas avant. Je rentre chez moi pensif. 6 jours pour avoir un modem…
Quand je veux :
Mercredi 5 avril, 5 jours plus tard : Je reçois, à mon adresse principale, 2 courriers de l’opérateur. Le premier m’annonce, navré, que « compte tenu d’un problème technique indépendant de notre volonté la ligne ne pourra pas être mise en service le 31 mars mais le 4 avril ». Je suis bien content de le savoir, je n’ai pas de modem. Le second est plus déconcertant. Il m’informe que le modem sera livré par la poste à l’adresse du deuxième appartement le 4 avril et que la présence de quelqu’un sur place est vivement conseillée. Si personne n’est présent le colis sera déposé au bureau de poste le plus proche.
A suivre demain « Ne me faites pas perdre mon temps... »
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