Job Relations au 21e siècle

Job Relations au 21e siècle

Quelles relations établissons-nous au sein de nos équipes ? Sont-elles de bonne qualité ? Vont-elles favoriser l’engagement des collaborateurs ?

A l’heure de la « grande démission », la question semble d’actualité. Un tiers des moins de 35 ans envisagent de changer d’entreprise, voir de changer radicalement de vie. En effet miroir, les entreprises se retrouvent fragilisées par ce turn over, réel ou anticipé, qui va limiter leur capacité d’action.

La question de l’engagement est plus ancienne que le Covid. La diffusion infiniment rapide de la culture agile dans les entreprises a pour origine cette envie des développeurs d’abord, puis d’un collectif beaucoup plus large de salariés, de mieux comprendre le sens de leurs actions, de disposer de marges d’organisation plus importantes et d’arrêter d’être vissé à son siège, avec une liste de taches à accomplir, pour au contraire travailler au sein d’une équipe.

En remontant encore le temps, le livre « First, break all the rules », publié en 1999, démontre le lien entre engagement et efficacité et éclaire sur les conditions qui font naitre cet engagement.[1]

Nous avons beaucoup écrit sur ces sujets, à Operae avec entre autres :

En effet, nous avons collectivement la conviction qu’une bonne organisation doit être efficace bien sûr, mais qu’elle doit aussi permettre à chaque salarié de se dire : « aujourd’hui, j’ai passé une bonne journée ». Idéal aussi sibyllin que l’un de ses pendants dans le système lean : « nous cherchons le sourire du client ». L’un comme l’autre sont de la responsabilité du management…

Le « Toyota Way » alimente depuis longtemps ma réflexion autour de ces bonnes relations entre management et employés.

Nous avons même créé une formation destinée aux managers qui s’intéressent au sujet ! A découvrir ici.

Le lean aujourd'hui

Bref, j’étais dans une zone de confort agréable jusqu’à ce que je dévore le « Lean aujourd’hui » de Jean Claude Bihr.

Jean-Claude est l’une de mes références dans le monde du lean. Il dirige Alliance Mim, une entreprise industrielle de micro-mécanique qu’il a créée autour d’une technologie innovante. D’ailleurs ses clients proviennent essentiellement du monde du luxe. Il est tombé dans le lean il y a 15 ans et ce que l’on voit chez lui aujourd’hui est très fin en matière de juste à temps et de jidoka. En plus, il réfléchit vite, il est incisif et il a le sens de l’humour.

Son livre se lit très bien. Et me voilà replongée dans l’histoire du TWI et de ses trois volets :

  • Job Method
  • Job Instructions
  • Job Relations

Le TWI (Training Within Industry) est la méthodologie créée par les Américains pendant la 2nde guerre mondiale pour permettre aux femmes de remplacer rapidement les hommes dans les usines. Les hommes étant partis à la guerre. Ce programme a largement contribué à la victoire des Alliés en 1945. Il a ensuite été redécouvert par les industriels japonais et Toyota l’a déployé grande échelle.

J’étais certaine de l’avoir eu entre les mains et j’ai retrouvé les trois volets en anglais, à 30 centimètres de mes crayons. Je n’avais qu’à tendre le bras.

J’y ai trouvé les mêmes informations que dans le « Lean aujourd’hui », mais sans le côté romancé. Ce que j’ai apprécié dans cette nouvelle lecture :

Le management agile a remis de la relation au sein des équipes mais j’y trouve une vraie limite dans la pratique : l’équipe se centre beaucoup sur elle-même. Les relations sont-elles gâchées par le retard de Zoé ou d’Émile à telle réunion ? Ce type de sujet peut faire l’objet de discussions et d’échanges longs. Or l’équipe a une responsabilité vis-à-vis du client et de l’entreprise, responsabilité qu’elle doit réellement intégrer.

Dans Job Relations, les choses sont claires. J’ai retrouvé dans mon dossier une carte distribuée à chaque manager avec sur le côté face :

A supervisor gets results through people
Foundations for Good Relations
(suit un ensemble de conseils)

Et sur le côté pile :

How to handle a Job Relations Problem
suivie d’une méthodologie en 5 étapes

Ainsi, dans le TWI, le  manager est garant des bonnes relations avec les salariés par principe mais aussi parce que ces bonnes relations sont génératrices de bons résultats. Résultats qui se mesurent traditionnellement en termes de qualité, délai et productivité.

La montée en puissance des GAFAM a fait évoluer ces indicateurs pour y intégrer des informations sur la valeur créée et la satisfaction des clients. Le réchauffement climatique a lui fait émerger les aspects liés aux émissions de CO2 ou de consommation de ressources naturelles.

Mais qu’en est-il du modèle sociologique de « Job relations » ? A-t-il vieilli, est-il devenu obsolète ? Les « foundations for good relations » se déclinent en 4 thèmes :

  1. Let each worker know exactly how he is doing
  2. Give credit when due
  3. Tell people in advance about changes that will affect them
  4. Make best use of each person’s ability

Et se conclut par “People must be treated as individuals” (les personnes doivent être considérées comme des individus à part entière).

Sur les points de 1 à 4, je les trouve plein de bons sens. Au 21e siècle, il faudrait les mettre en regard des études de Google sur les équipes qui fonctionnent bien. Ce serait enrichissant.

En revanche, je ne ferai jamais assez la promotion de l’idée : « les personnes doivent être considérées comme des individus à part entière » !

« J’ai besoin de deux ressources ici et je vais en recruter trois là » : quelle tristesse ! Le manager n’a pas besoin de « ressources » s’il a besoin de femmes et d’hommes qui prennent en charge telle ou telle de ses activités. Il les embauche avec leurs talents, leurs compétences, leurs histoires, leurs envies, leurs faiblesses aussi. Ce ne sont pas des humains programmés pour exécuter une tache qui résiste à la machine. Ce sont de vraies personnes qui vont s’appuyer sur les processus et les outils mis à leur disposition pour générer quelque chose et ce quelque chose doit avoir du sens pour son destinataire, donc pour son producteur. Le changement de point de vue est copernicien. Il bénéficie aux entreprises lean, en commençant par Toyota.

Il inspire une nouvelle génération de dirigeants comme Jean-Claude Birh (Alliance Mim), mais aussi Chloé Bouvel (Eurofins) ou Benjamin Garel (secteur hospitalier). Dirigeants dont les résultats sont époustouflants tout en nous donnant une version rafraichissante du leader dans nos nouvelles années 20.


[1] Pour en savoir plus : article ici

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