Lisser la demande : produit vs. service

Lisser la demande : produit vs. service

Lors de différentes expériences professionnelles et notamment lorsque j’ai enseigné le Management Lean en écoles de logistique et de commerce, j’ai pu noter que les notions de produit et de service étaient souvent floues. Elles conduisent à des débats passionnés, selon les points de vue et contextes de chacun, sans pour autant converger vers des définitions simples, non ambiguës et surtout qui aident à piloter une activité en entreprise. Je vous propose ici deux définitions qui permettent de les différencier facilement et je m’appuierai dessus pour vous démontrer l’intérêt de raisonner de cette façon dans le référentiel du TPS. Enfin, nous discuterons de l’impact du numérique dans ce modèle.

Les définitions

Faire la différence entre un produit et un service pose bien souvent des interrogations. Il est toutefois possible de s’en sortir grâce à deux définitions simples pour déterminer dans quelle situation nous sommes. 

Le produit

Lorsque le client se débrouille seul pour bénéficier de la valeur, nous sommes en présence d’un produit. C’est le cas d’une personne qui achète une voiture, de l’électroménager, de tout ce qui est généralement tangible et que nous utilisons, mais pas seulement. Un ordinateur, par exemple, comprend une partie matérielle tangible mais aussi une partie intangible : les logiciels qu’il faut bien faire fonctionner tout seul, non sans mal parfois.

Le service

Lorsque le client est en contact avec une personne de l’entreprise, et que ses caractéristiques impactent le traitement de sa demande, nous sommes face à un service. C’est le cas des crédits, de la formation, des centres d’appel, de la restauration, des sociétés de conseil… Parfois, l’employé n’est pas forcément en relation directe et permanente avec le client. L’exemple de l’artisanat ou du ménage le montre. Il est possible de laisser une clé du logement à la personne qui réalisera le service sans forcément l’avoir rencontrée.

Ainsi ces deux définitions offrent un moyen de différencier le produit du service en se plaçant du point de vue du client dans la partie supérieure du TPS : le toit. C’est important de garder cet axe car les apparences sont parfois trompeuses, nous le verrons par la suite.

Organisation de l’activité

Le Lean s’efforce de réduire toute forme de variabilité et principalement celles d’origine externe comme celle venant du client, saisonnier dans ses achats. Cette saisonnalité se traduit dans le monde du Lean par une réflexion sur le lissage de la charge qui finira représentée dans le management visuel des équipes.

Nous sommes dans la partie inférieure du TPS : les fondations représentant la stabilité. Ce lissage va prendre des formes différentes dans des activités « produit » et des activités « service ».

Le produit

Nous avons vu que le produit est généralement tangible. Le client en profite quand il le souhaite dès lors qu’il sait l’utiliser. 

L’organisation optimale de la production est la cellule en U de type manufacturing dans laquelle les membres de l’équipe sont spécialisés et assignés à une étape ou à une suite d’étapes. Le principe de lissage va consister à :

  • Cumuler la demande client sur une période de moyen terme (1 mois, 1 trimestre)
  • Transformer ce volume en plan de marche quotidien
  • Produire la quantité définie chaque jour
  • La stocker dans un stock « produit fini » qui alimentera le circuit de distribution.

L’atelier de fabrication est donc protégé dans une certaine mesure de la variabilité client (cf:  Heijunka… (1/2) la théorie)

Le service

Ce cas est plus délicat à traiter, puisque les employés de l’entreprise sont mobilisés pour fournir le service au fur et à mesure qu’ils sont sollicités par les clients.

L’organisation optimale est le mode auto organisé où chaque jour, voire à chaque moment, l’équipe s’efforce de trouver la meilleure organisation selon la nature de la demande et son niveau de polyvalence (cf: Heijunka … (2/2) la pratique).

Lorsqu’une file d’attente se crée – le fameux : “à partir de ce point, 3 heures d’attente” – cela donne un signal à l’équipe pour trouver une autre façon de s’organiser et limiter l’attente des clients. Inversement, lorsqu’aucun client ne demande le service, l’équipe doit s’adapter également et trouver des moyens d’anticiper les futurs pics de demande.

La polyvalence de l’équipe devient clé pour que son organisation soit flexible. Cette flexibilité se révélera chaque jour devant le management visuel lors des rituels quotidiens, parfois même durant la journée. En synthèse, le produit dans sa forme finie peut être stocké pour absorber la variabilité des clients ; le service pour être toujours disponible implique une forte flexibilité des équipes et une forte polyvalence des personnels.

Le numérique

Ceci posé et sans surprise, une transformation étrange s’opère avec l’émergence du numérique : les services se changent en produit. L’aviez-vous remarqué ? Si le numérique est un “must” pour les millenials, les plus anciens d’entre nous ont connu les guichets et leurs files d’attente où il fallait prendre un ticket et vu cette transition s’opérer.

Ainsi, ces dernières décennies pendant que les agences se vidaient, d’impressionnants data centers et software factories ont vu le jour pour développer, opérer et maintenir toujours plus de “services en ligne”, engendrant un changement radical des compétences nécessaires dans ces entreprises. 

Mais que cela change-t-il dans notre modèle ? Les services en ligne deviennent des produits numériques qui peuvent mieux répondre aux files d’attente en augmentant la puissance des machines qui traitent le service. Dans les premiers temps de cette transition, une forte demande ponctuelle a posé des problèmes de capacité. Ce fut le cas d’Amazon qui, à ses débuts, fut incapable d’absorber le pic de demande des fêtes de fin d’année. Très vite, l’entreprise a réagi en investissant dans des moyens matériels : les centres de calcul. Puis maintenant, grâce à la virtualisation et le SaaS, il devient plus simple d’augmenter la capacité de traitement des services en ligne. Enfin plus récemment, les infrastructures logicielles sont capables de répartir cette capacité disponible sur plusieurs activités voire plusieurs clients. C’est Amazon Web Services.

Nous avons donc une “force de travail” numérique prête à se mobiliser pour servir le client. Concrètement aujourd’hui, non seulement plus aucune file d’attente ne se constitue, mais surtout le service est disponible 24/7. 

Conclusion

Pour conclure, c’est donc bien le comportement du client face à ce qu’offre l’entreprise qui détermine la notion de produit ou de service. Ce point de vue évite les écueils que la transition numérique induit. De même, être clair sur ce que délivre l’entreprise oriente vers ses axes d’apprentissage pour maîtriser ses activités : lissage fin et précis de la demande ou flexibilité des équipes.

Si vous souhaitez discuter de la meilleure manière d’organiser votre activité de service, contactez-nous par email : contact at operaepartners point com

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