Travailleurs du 21ème siècle unissez-vous !
La crise pétrolière de 1973 marque un moment charnière : celui à partir duquel les habitants des pays du sud ont décidé d’arrêter de fournir de la matière première peu chère pour soutenir la croissance de la classe moyenne des pays occidentaux. Depuis lors, la sécurité de nos emplois est mise en danger par plusieurs facteurs, concentrons-nous sur trois d’entre eux.
Le premier est la mondialisation. Des gens de tous les pays souhaitent vivre comme la classe moyenne occidentale. Comment leur en vouloir ? A eux la possibilité de mener une vie décente, de payer des études à leurs enfants, et la perspective d’une promotion sociale.
Le deuxième est l’ennui. Depuis les années 90, les grandes entreprises ont consacré une quantité phénoménale d’énergie (et d’argent ! parlez-en à Oracle ou Salesforce) à rationaliser des processus et à les figer dans leurs systèmes d’information. Les collaborateurs sont maintenant soumis à des systèmes IT qui dysfonctionnent pour la majorité d’entre eux avec des processus pulvérisés dans un grand nombre de fonctions, et les employés, ayant perdu tout contact avec les clients, ne trouvent plus aucun sens à leur travail.
Le troisième est plus récent : il s’agit de l’automatisation et des algorithmes. Les ingénieurs rêvent de créer des systèmes desquels ils ont exclus les personnes, afin de supprimer la variabilité qu’ils reprochent aux humains, et avoir des systèmes purement technologiques et donc « parfaits » (hum hum). L’avènement de la robotisation et des algorithmes est l’eden secret de la culture de l’ingénierie.
Qu’est-ce qui nous attend ? Qui va sauver nos emplois ? Si vous vous posez sérieusement la question, rassurez-vous, l’ombre bienveillante de Taïchi Ohno veille sur vous. Car c’est le Lean qui peut nous aider à surmonter ces menaces, à conserver nos emplois et même à nous sentir plus impliqués dans nos jobs. Découvrez pourquoi….
1. La mondialisation
L’hypothèse centrale de la mondialisation : faire faire le travail à l’autre bout du monde coûte moins cher. Faisons comme si cette hypothèse était valide (même si c’est loin d’être confirmé, surtout dans le cas des travailleurs du savoir).
Ce que le Lean permet, c’est une amélioration radicale de la productivité. Non pas 5 à 10 % d’amélioration mais bien des augmentations de l’ordre de 30 ou 50 %. A titre d’exemple, pour citer des projets sur lesquels j’ai travaillé : la R&D d’un éditeur de logiciel a réduit ses délais de livraison de 50 % (comme expliqué ici). Une équipe d’intégration IT est passée de -25 % de marge à +25 % de marge en deux mois. Une équipe de back-office a amélioré sa productivité de 25 % alors qu’elle subissait un changement de système informatique et qu’elle perdait 3 de ses membres senior.
Je vous invite à écouter des responsables de PME françaises (Nicolas Guillemet de Lachant Spring et Emmanuelle Legault de Cadiou) qui ont expliqué qu’ils devaient la survie et le succès de leur entreprise au Lean lors du Lean Summit 2016 à Lyon.
Quand une démarche Lean permet d’augmenter la productivité dans de telles proportions, qu’est-ce qui justifie de délocaliser la production à l’étranger ?
2. L’ennui
Le Lean apporte deux choses essentielles au travail : la collaboration et la réflexion. Dès lors que vous mettez une équipe en situation de visualiser clairement à la fois son challenge et ses obstacles, que vous mettez les personnes ensemble devant ces obstacles, la magie opère.
En premier lieu, les collaborateurs commencent à réfléchir. Pas du style : « Je pense que ce serait bien d’ajouter cette fonctionnalité dans mon workflow IT et de lnavoir dans 2 ans » mais plutôt : « quelles sont les causes du problème ? Quelle contre-mesure pourrait-on tester aujourd’hui ? Comment saurons-nous demain que cela a fonctionné ? Comment allons-nous le mesurer ? » C’est ce que l’on appelle l´approche scientifique. Et c’est de cette façon que la science a progressé depuis le 17e siècle. C’est un mode éprouvé de réflexion, qui a été adapté au monde professionnel par Walter Shewart et Edward Deming dans les années 50 avec la résolution de problème par le PDCA, puis adopté par Toyota comme la base même du Lean management et du Kaizen.
Le second point est que les collaborateurs réfléchissent ensemble. Ils voient les écarts de performance et testent tout ce qui est possible pour surmonter les obstacles qui les empêchent d’atteindre leur but. Et la plupart du temps, cela nécessite l’implication de nombreuses personnes de différents services. Alignés sur un objectif business commun, ils vont travailler ensemble pour résoudre un problème commun qui les empêche d’atteindre leur but. C’est ainsi que j’ai vu des équipes qui ne se supportaient pas avant le démarrage du Lean et qui se sont mises à travailler et à réussir ensemble. Croyez-moi, c’est magique.
Les gens ne sont plus seulement soumis à leur système informatique défaillant, ils sont aussi encouragés à réfléchir, à être créatifs et à travailler en équipe pour résoudre les problèmes. En avançant ainsi, ils développent une connaissance fine de leurs processus, de leur travail et de leur activité au sens large.
3. Les robots
Dans Organizational Culture and Leadership, Edgar Schein décrit ce qu’il appelle des sous-cultures. Il en voit trois : celles des opérateurs, des cadres et des ingénieurs. Pour les ingénieurs, le monde idéal est un monde de robots.
Mais hélas, les robots, tout comme les systèmes informatiques, ne sont pas une solution magique. Ils tombent en panne et ont besoin de personnes très qualifiées pour les maintenir en bon état. Et les robots ne sont pas très performants lorsqu’il s’agit d’améliorer des processus.
Le fait que l’une des entreprises industrielles les plus performantes au monde (oui, Toyota) choisisse d’organiser sa production autour des gens et non des robots devrait donner à réfléchir aux tenants de la robotisation. Toyota remplace ainsi les machines par des experts pour améliorer la ligne de production. Pourquoi donc ? Un début d’explication se trouve dans cet article de Bloomberg qui cite l’un de ces maitre-artisans de Toyota, Mitsuru Kawai : “On ne peut pas dépendre de machines qui ne font que répéter la même tâche encore et encore. Maîtriser la machine nécessite des connaissances et des compétences pour la piloter.” C’est l’un des grands principes de Toyota : les machines sont au service de l’humain et non l’inverse. La résolution de problème qui permet d’échapper à l’ennui, permet en outre aux collaborateurs de développer une grande expertise dans leur domaine.
Unissez-vous
Le Lean donne à tous les travailleurs (et pas seulement aux travailleurs du savoir) quelque chose qui rend la délocalisation inutile, qui empêche l’ennui de s’installer et apporte une chose que les robots ne sont pas prêts d’avoir : une méthode scientifique pour résoudre des problèmes et développer des compétences. C’est pour cela que le Lean va sauver les emplois.
Travailleurs occidentaux du 21ème siècle: quelle est votre stratégie pour sauver vos emplois ?
Une réflexion sur “Pourquoi le Lean va sauver nos emplois”