Les effets de la non-qualité sur la qualité de vie au travail et la compétitivité

NRFT

Pour faire suite aux 2 vidéos de Christophe Mouton expliquant comment ramener la qualité au cœur du processus de développement [logiciel] (partie 1 et partie 2), je voudrais faire le lien entre la non-qualité et le respect des personnes.

En préambule, je dirai que je partage sans condition les constats et explications présentés par Christophe, car, tout comme lui, c’est mon cheval de bataille depuis plusieurs années. Il n’est pas nécessaire de réaliser de longues études pour poser le postulat que la qualité et le développement logiciel ne font pas encore cause commune ; comme avec la sécurité des systèmes d’information pour rebondir sur l’actualité du moment (cf. la dernière cyberattaque WannaCry). Les normes, méthodes et référentiels qui se succèdent visent tous l’amélioration de la qualité, avec plus ou moins de réussite.

Tel Don Quichotte parcourant l’Espagne sur son vieux Rossinante, j’ai livré bataille durant plusieurs années contre le postulat que la qualité coûte cher et qu’elle ne peut de facto n’être qu’une variable d’ajustement. Là où des responsables voyaient les moulins à vent des coûts de la sur-qualité, je voyais les monstres de la non-qualité qui allaient une nouvelle fois générer insatisfaction du client, démotivation des collaborateurs et surcoûts pour l’entreprise.

Ce postulat est conforté par le triptyque Qualité – Délais – Coûts qui perdure depuis plusieurs années. Ce dernier est malheureusement souvent détourné de sa fonction et se résume à tenter de maîtriser les délais (serait-ce la principale attente du client ?) et les coûts (serait-ce la principale attente du fournisseur ?) avec un niveau de qualité « acceptable » (surtout, ne pas en faire plus sinon les charges augmentent !). La qualité est devenue une variable d’ajustement pour ne pas dire la cinquième roue du carrosse dans certains cas.

En Lean Management, nous savons que les problèmes de qualité ont une influence négative directe sur

  • le client : insatisfaction, dégradation de la réputation du fournisseur ;
  • l’entreprise (le fournisseur) : surcoûts, éventuelles pénalités, image de marque pouvant être affectée au sein du réseau du client, perte d’affaire (renouvellements et nouveaux contrats…) ;
  • les collaborateurs de l’entreprise : surcharge de travail, stress, démotivation…

La non-qualité et le client

Je ne reviendrai pas dans cet article sur les conséquences de ne pas satisfaire ses clients, les articles ici, iciici ou encore ici sont explicites.

La non-qualité et l’entreprise (le fournisseur)

Il est assez facile de déterminer le coût de la partie la plus visible de la non-qualité en identifiant, pour chaque projet, le nombre de jours passés à corriger (c’est-à-dire à réparer -> gaspillage de type Muda) des anomalies (ou des incidents) détectées par les équipes de développement et celles identifiées par le client. Cet exercice réalisé, par exemple, sur un périmètre de plus 20 000 jours de développement a mis en évidence qu’un défaut était introduit tous les 2,4 jours de réalisation. Dit autrement, 1 jour de développement engendre 0,4 anomalie. Ajoutons à cela une charge de correction oscillant entre 0,5 jour et 1 jour et nous obtenons la charge de non-qualité. Le résultat atteint rapidement les 20 à 30 % de la charge initiale de réalisation, ce qui représente plus de 3 millions € (pour un coût journalier moyen de 550 €).

Et sous couvert de l’hypothèse que faire développer les logiciels à l’autre bout du monde est moins cher, des entreprises délocalisent leurs activités. L’effet indicateur pastèque (vert à l’extérieur pour le top management et rouge à l’intérieur sur le terrain) fonctionne très bien, malheureusement ! Peut-être faudrait-il se demander comment nous pourrions améliorer la productivité en France ? Je vous invite à lire ou relire l’article de Cecil Dijoux Pourquoi le Lean va sauver nos emplois et notamment le point 1 «La mondialisation».

Comme le dit très clairement Christophe Mouton dans sa vidéo, la pratique courante pour limiter la perte sur les projets est de vendre aux clients ces 20 à 30 % de correction en plus de la charge de réalisation. Sans compter que des ratios supplémentaires (management du projet, recettes internes, contrôles qualité, marge de risque…) sont calculés à partir de cette charge de réalisation/correction. In fine, dans de nombreux cas, le fournisseur pratiquant cette « technique » ne gagne pas le marché car ses prix sont trop élevés.

D’aucuns tenteront d’expliquer qu’en informatique, avoir des anomalies c’est normal et que baisser ces 20 à 30 % c’est faire de la sur-qualité… Tant qu’il y aura des clients insatisfaits et détracteurs, la notion de sur-qualité restera vraiment surfaite ! D’autres se lancent dans des opérations de réduction des anomalies pour augmenter la rentabilité des projets sans pour autant baisser le prix de vente. Encore faut-il déjà pouvoir vendre ! La peau de l’ours, elle est vendue avant ou après avoir tué l’animal ?

Rappelons-nous les sages paroles de Shigeo Shingo

The most dangerous kind of waste is the waste we do not recognize.

La non-qualité et les équipes (du fournisseur)

Quand il est question de non-qualité, nombre d’entreprises s’intéressent aux coûts et au niveau de satisfaction client. Mais quid des personnes qui travaillent sur les projets concernés  ? Ces personnes se retrouvent très souvent

  • en surcharge de travail : les affaires en cours ET le traitement des anomalies et incidents non prévus (pourtant vendu, mais que l’entreprise espère le plus faible possible) ;
  • stressées par les engagements résultant de la surcharge de travail, mais aussi par des relations de plus en plus tendues avec le client qui perd confiance et qui entre de facto dans un micro-management ;
  • démotivées par le travail récurrent de correction (certaines personnes peuvent passer plusieurs années à ne faire que ça -> quelle est la création de valeur ?), par l’arrivée de pompiers mandatés par la direction pour rattraper l’affaire et pour leur expliquer comment elles auraient dû travailler ;
  • dépitées par le micro-management et les contrôles qui sont mis en place à la demande de la direction alors que leurs alertes pendant la réalisation, voire plus tôt, n’ont pas été prises en compte ;
  • abruties (selon l’assertion «faire perdre à quelqu’un la vivacité d’esprit») par un système Command & Control qui leur enlève esprit d’analyse, d’initiative et de prise de décision au profit de processus / procédures théoriques censés avoir été pensés pour elles.

Il en résulte la dégradation du bien-être au travail (qui n’est pas la résultante des avantages fournis par l’entreprise) et l’apparition de coûts moins visibles qui se matérialisent par un désenchantement et une baisse d’implication des collaborateurs. Le rapport La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité de Terra Nova (octobre 2016) est édifiant quand on prend le temps de le lire dans son intégralité après avoir mis de côté ses idées préconçues sur ce sujet.

Pour plus de détails sur ce qu’est la Qualité de Vie au Travail (QVT), je vous invite à lire les articles suivants :

J’ai entendu plusieurs fois que les collaborateurs ne devraient pas avoir d’états d’âme (selon l’assertion «réaction affective considérée comme déplacée»), c’est avoir bien peu de respect pour l’être humain et ses capacités.

Michael Ballé nous dit souvent que le Lean = Kaizen + Respect.

Le management Lean s’appuie sur le système de management de Toyota, le Toyota Way. Le système de production TPS fonctionne en symbiose avec le Toyota Way. Prétendre pratiquer le Lean sans prendre en compte le Toyota Way n’est rien d’autre que de la réduction des coûts déguisée. Le deuxième pilier du Toyota Way est le « Respect des personnes » . Il implique

  • la création par le management pour les équipes (on entre ici dans le rôle du servant leader) des conditions pour réfléchir et réussir (établissement de la confiance, partage des règles, droit à l’erreur, construction de sa propre réussite, un problème = arrêt, réflexion et apprentissage…) ;
  • le travail en équipe (respect de la créativité de la personne, développement des compétences et autonomie de chacun par la résolution des problèmes, développement de la capacité de collaboration, développement du leadership par la résolution de problème en amont et en aval de chaque équipe).

Voilà de quoi alimenter votre réflexion sur la construction d’un environnement professionnel orienté client, au service de la réussite des équipes coachées par des responsables qui développent leurs connaissances et compétences en les challengeant dans la résolution des problèmes.

La préface du rapport de Terra Nova (cf. plus haut) écrite par Jean-Dominique Senard, Président de la gérance du groupe Michelin, est, dans le contexte morose actuel, de bon augure pour les années à venir :

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Extrait du rapport La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité, Terra Nova

Pour conclure, je vous invite, une nouvelle fois, à lire ou relire les 2 parties de l’article de Cecil Dijoux Management : arrêter le bullshit et commencer la pratique, partie 1 et partie 2.

P.S. : cet article a été rédigé dans un contexte IT, mais c’est exactement la même chose dans les Services (banque, assurance…)

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