Une consultation de spécialiste en 10 minutes, attente comprise ! Du jamais vu pour moi.
En sortant de là je me suis demandé si elle ne faisait pas du Lean sans le savoir.
J’ai eu la chance de vivre plus de 47 ans sans lunettes. Mais rattrapé par l’âge, et mes bras n’étant plus assez longs pour aider à la mise au point, j’ai dû me résoudre à consulter.
J’avais donc rendez-vous un vendredi à 17h20. Les affres de la circulation en région parisienne m’ont conduit à arriver avec un léger retard ; j’arrivais dans la salle d’attente à 17h23 … Mon premier étonnement : 2 bureaux formant un angle portaient le nom du docteur. Bizarre !
Et comme les cloisons sont en verre sérigraphié, j’apercevais dans un bureau une dame qui avait l’air de faire des tests avec un jeune patient et dans l’autre une jeune femme derrière un PC semblant terminer une consultation. Dans la minute suivante, la jeune femme prenait congé des 2 personnes dont elle s’occupait. Aussitôt elle appelait le nom d’une personne qui ne répondait pas, puis le mien. « Déjà !? » J’entrais et comprenais tout de suite que j’avais à faire à l’infirmière assistante. Comme il s’agissait de ma première fois, elle constituait mon dossier sur le PC en me posant quelques questions de bases, non sans un certain humour, devinant très bien la raison de ma présence.
« Voilà tout est prêt monsieur, vous vous asseyez dans ce fauteuil juste là et le docteur va arriver… » Le temps de m’installer comme indiqué et d’observer le matériel posé sur une table à côté de moi, la dame que j’avais aperçue dans l’autre bureau entrait. « Bonjour, enchantée monsieur, je suis le docteur M. Alors c’est la première fois et vous venez parce que votre vue baisse ? » « Oui tout à fait, mes parents ont attendu à peu près le même âge pour avoir des lunettes et maintenant c’est mon tour. » «Et bien voilà, et vos enfants feront exactement la même chose… Alors on va en profiter pour faire un check up complet ». La table à côté de moi s’est activée et différents appareils se sont présentés à tour de rôle devant mes yeux. C’est beau la technologie ! J’ai donc appris que je n’avais pas de glaucome, que je n’étais pas daltonien, que la pression artérielle dans mes yeux était bonne, que ma vision en relief, ma vision de loin, ma vision centrée et les fonctions mécaniques étaient toutes satisfaisantes également. Le seul hic, ma vision de près avec une correction nécessaire de +1,5 pour chaque œil. Le docteur rédige l’ordonnance en question et prescrit des verres simplex. « Je vous revois dans 2 ans, et on verra s’il faudra vous passer à des verres progressifs. Je vous laisse, l’infirmière va revenir pour terminer. Au revoir monsieur » … et bien évidemment, l’infirmière réapparaissait dans les 30 secondes pour mettre à jour mon dossier et facturer la consultation.
En sortant, je lançais un regard vers le second bureau où je n’étais pas entré pour constater qu’il y avait exactement le même équipement : un bureau, un PC et la même table magique. Et l’infirmière dans mon dos d’appeler déjà le patient suivant. À 17h35, je m’installais au volant de ma voiture, j’étais dehors depuis une bonne minute.
En repensant à cet épisode, j’ai réalisé que l’organisation était pensée pour réduire le plus possible le parcours du patient : je n’ai pas attendu et ensuite j’ai tout fait dans la même salle : prise en charge, consultation et facturation. Avec un regard Lean, le patient a un lead time de 10 minutes, l’infirmière et le docteur ont un takt de 5 minutes. Ce sont elles qui changent de salle alternativement. Entre les 2 bureaux se trouve une troisième pièce non visible car dans l’angle. C’est là que l’infirmière et le docteur se croisent entre chaque consultation. J’imagine aisément qu’elle contient un espace de pause, au cas où l’une des deux est plus longue.
Ensuite la technologie, la table magique fait tourner les appareils et les avance devant le patient donc inutile de se déplacer d’un appareil de test à un autre. Tout s’enchaîne à merveille dans un minimum de temps. Certes l’investissement est double. Mais avec cette organisation jusqu’à 12 patients peuvent être auscultés en l’espace d’une heure. Alors qu’un spécialiste ordinaire n’en voit plutôt que 4. Donc pas d’attente et plus de patients.
Est-il possible de tenir cette cadence pendant toute une journée et tout une semaine ? C’est une question que j’aurais pu leur poser. En tout cas, en tant que patient, je ne me suis jamais senti pressé, prenant même le temps de plaisanter avec chacune.
Mais LA question que je poserai la prochaine fois est : comment en êtes-vous arrivées là ? Si on se rappelle que le Lean est avant toute chose un chemin d’apprentissage personnel. Alors je souhaite savoir ce qu’elles ont appris pour décider de s’organiser de cette manière. Par quelles réflexions et quels essais sont-elles passés ?
Mon ophtalmo pense Lean sans peut-être le savoir, et elle ne s’appelle pas Monsieur Jourdain.