Pourquoi le takt time est-il si important ?

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Notre voyage d’études au Japon, dont la visite de l’usine Tsutsumi de Toyota a été le point d’orgue, a été l’occasion de revenir aux sources du Lean et de réinterroger notre pratique. Ce voyage a déjà nourri un certain nombre d’articles de ce blog. Dans cette série conçue par Emmanuelle, Justine, Philippe et Marc, nous allons nous intéresser au concept du takt time, partager nos observations sur son application dans les usines visitées, identifier des améliorations révélées par son application, et proposer des façons d’introduire ou de réintroduire ces apprentissages dans d’autres environnements de travail.

 Du Taktzeit allemand au Takt time du TPS

Takt est le mot allemand pour « mesure », désignant la segmentation d’un morceau de musique en intervalles d’égales durées. Il provient de la méthode de travail en cadence inventée par la firme aéronautique allemande Junkers, dont les ingénieurs ont travaillé comme consultants auprès des alliés de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cette collaboration, notamment au sein de l’usine Mitsubishi de Nagoya, a probablement été le moyen de diffusion de ce concept, avant que Toyota ne l’affine et en fasse une part essentielle de son système de production, sous le terme takt time.

Le takt time chez Toyota

Le takt time est le rythme idéal, par définition stable et régulier, auquel il faut produire des pièces pour répondre à la demande du client, pendant le temps de production disponible. A travers le takt time on prend le point de vue du client pour regarder sa propre activité, en lissant artificiellement cette demande client qui peut être variable : la régularité avec laquelle les véhicules sortent des usines Toyota n’est évidemment pas celle à laquelle des clients finaux passent commande. Comprendre cela permet déjà de déminer une critique souvent entendue : « oui mais chez nous ça ne marche pas parce que le client n’a pas de demandes régulières ! »

Concrètement, le takt time se détermine en divisant le nombre de pièces à produire pour répondre aux attentes du client sur une période donnée, par le temps de production réellement disponible sur cette période. Il peut s’exprimer comme un temps entre la production de 2 pièces consécutives. Par exemple si une unité de production doit livrer 36 sièges de voiture par jour et que le temps de production disponible par jour est de 6 heures, soit 360 minutes, le takt time est de 10 minutes : un siège doit être produit toutes les 10 minutes. Ainsi, pour être en phase avec la demande client, l’unité de production doit être capable de produire un siège toutes les 10 minutes, de manière stable.

Mais pourquoi calculer ce takt time ? C’est pour avoir un rythme de référence afin d’organiser le travail, les équipements, et d’aider les personnes à produire ce qu’attend le client, pas plus, pas moins. Et non pas considérer la capacité actuelle de l’unité de production comme impossible à modifier ce qui impose aux clients des livraisons différentes de ce qu’ils attendaient. Au contraire, le takt time va révéler des pistes d’amélioration aux personnes sur le terrain qui mèneront des expérimentations pour approcher peu à peu ce rythme cible, opération par opération.

De nombreux facteurs peuvent venir compliquer ce calcul en apparence simple, comme par exemple :

  • La période du contrat avec le client ;
  • Le mix produit, s’il y en a un ;
  • Les variations saisonnières.

Équilibrer la charge de travail

Le takt time est le rythme cible servant de référence pour l’observation du « temps de cycle », autre notion avec laquelle il est fréquemment confondu : le temps de cycle (« cycle time »), est le temps qui s’écoule entre le premier geste d’une opération (série de tâches élémentaires) sur une pièce et le premier geste de cette même opération sur la pièce suivante. Le but recherché par Toyota est que les personnes et machines réalisent les opérations selon des temps de cycles égaux au takt time : la charge de travail est équilibrée et les personnes travaillent de façon parfaitement fluide et stable, avec le takt time donnant le rythme de toutes les activités de la chaîne de valeur.

Cette recherche de la stabilité du rythme de production vise à la suppression des causes de variabilité, les « mura » qui peuvent générer des surcharges de travail, les fameux « muri »…

Cela était parfaitement visible lors de notre visite de l’atelier d’assemblage de l’usine Toyota de Tsutsumi : à un endroit de la chaîne, nous pouvions voir un opérateur fixer des câbles électriques à l’intérieur de la carrosserie, sur le châssis nu. Il commençait et finissait ses opérations en même temps que ses collègues des postes amont et aval dans le flux, commençant à travailler sur un nouveau véhicule au même moment qu’eux. Cela permettait au flux de voitures d’avancer de façon fluide, sans à-coups, sur la chaine de montage. Si l’une des opérations a un temps de cycle inférieur au takt time contrairement aux opérations suivantes dans la chaine, elle va produire des pièces intermédiaires à un rythme plus élevé que les suivantes et donc créer un stock de ces pièces, voire de la surproduction si les opérations suivantes sont aussi « trop rapides ». Si au contraire l’une des opérations a un temps de cycle supérieur au takt time, les postes de travail suivants n’auront pas de pièces en entrée pour fonctionner et toute la chaine sera en retard par rapport à la demande client.

Le takt time est donc en premier lieu un outil de work design utilisé pour concevoir et répartir le travail en opérations équilibrées, avec les collaborateurs.

Limiter la surproduction

Le takt time étant basé sur la demande du client et la période de travail, respecter le takt time garantit de fournir exactement ce qui est demandé par le client, sans fabriquer plus que ce qui est nécessaire et ainsi gâcher les ressources de l’entreprise.

Takt time et Kaizen

Le rythme de référence du takt time facilite l’observation et la mise en évidence d’écarts entre temps de cycle et takt time, qu’il s’agisse de problèmes de variabilité avec des temps de cycle inégaux d’une pièce à l’autre, ou de temps de cycle trop longs créant alors des stocks et des attentes et des stocks dans le flux. Nous reviendrons sur ce point dans un prochain article.

Le takt time dans l’informatique

Prenons le cas d’une équipe agile en informatique qui code des « user stories » (US). Cette équipe doit produire 10 US dans un sprint de 2 semaines soit 10 jours ouvrés. Le takt time est donc de 1 US par jour. Bien sûr, c’est une cible, quand on commence à s’appliquer le takt time il ne paraît pas possible de le tenir : les US n’ont pas la même taille, il y a des dépendances externes, des obstacles, des gaspillages. Mais ce sont justement ces écarts au takt time que l’on cherche à faire apparaître pour expérimenter de nouvelles façons de faire. Ces « incompatibilités » apparentes ne sont pas des raisons pour supprimer l’usage du takt time, mais des problèmes que l’on cherche à faire apparaître pour que l’équipe puisse s’y attaquer en pratiquant le kaizen pour apprendre ce qui est nécessaire pour satisfaire pleinement les clients. L’un de nous accompagne une startup qui pratique l’agile (Scrum) et le Lean management. Chaque équipe réalise des sprints d’une semaine et, par conception, la durée de développement de chaque user story ne doit jamais excéder une journée. Lorsque c’est le cas pour une US et un développeur, ce dernier est alors coaché pour résoudre le problème à l’aide d’un PDCA. Ces pratiques sont le fruit de plusieurs années de pratique et d’apprentissage.

 

 

 

 

 

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