Lean Management ou les vertus de l’amélioration continue (2/2)

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La première partie de cet article explique pourquoi, tout au long de ma carrière, j’ai cherché un contexte de travail vertueux. Il présente les trois premières vertus que j’ai identifiées dans cette pratique de management :

  1. On part de là où nous sommes, par petits pas, plus faciles à mettre en oeuvre
  2. L’approche par petits pas est trois fois plus performante qu’un changement radical
  3. L’approche par petits pas apporte bien plus d’enseignements, et plus rapidement, qu’un changement radical

Cette seconde partie s’attarde sur sept autres vertus de l’amélioration continue

4. Apporter les questions plutôt que les solutions

Lorsqu’on me demande en quoi le métier de coach diffère de celui de consultant, j’apporte toujours le même éclairage : le consultant apporte des solutions, le coach apporte des questions.

Si l’on se place depuis la perspective des personnes que l’on accompagne, on peut comprendre que leur apporter des solutions toutes faites peut être perçu comme une action brutale.

Apporter des questions plutôt qu’apporter des solutions est une approche (sensiblement) moins violente. A travers le questionnement et l’approche maïeutique, on permet à l’équipe de changer de perspective pour voir une autre réalité (celle du client) : cela reste inconfortable mais incontestablement vertueux en ce que cela donne davantage de sens à ce que l’on fait. En laissant à l’équipe l’espace nécessaire pour apporter sa solution, on rend la pilule moins amère : l’équipe conserve l’autonomie pour traiter ses problèmes. Ce sont ses propres solutions, elle se défendra davantage pour les conserver que, disons, un ERP.

5. La mesure pour sortir de l’arène morale

Dans Eloge du carburateur, le philosophe Matthew Crawford fustige les grandes organisations devenues des arènes d’évaluation morale :

L’objectif du langage managérial (vague et aseptisé) est de préserver une marge d’interprétation dans le cas ou le contexte changerait. Il évoque celui des bureaucrates soviétiques. Le succès du management dépend de la capacité d’évitement de la réalité.

La base de l’amélioration continue est une confrontation quotidienne avec la réalité à travers 1/le pilotage de la performance, et 2/la résolution de problème selon la méthode scientifique. En se plaçant ainsi dans le monde de la mesure, on sort du monde de l’opinion et de l’arène morale. C’est ainsi, en formalisant cette démarche scientifique, que Francis Bacon et la Royal Society ont permis au monde d’entrer dans l’ère scientifique au 17ème siècle. Et de sortir du monde de la croyance.

« Le contraire de la vérité ce n’est pas le mensonge mais la conviction » (F. Nietzsche)

Edgard Schein définit l’axe du rapport à la vérité comme un des axes essentiels structurant les soubassements d’une culture d’entreprise. À une première extrémité de l’axe il y a la croyance ; à l’autre il y a la culture de la mesure. L’amélioration continue se situe à l’opposée de la croyance, extrémité où l’on retrouve bon nombre de ses détracteurs.

6. Transformer les soucis en problèmes

Sur ce point spécifique je vous renvoie à un autre billet de #BetterFasterTogether. Le dispositif de l’amélioration continue permet de transformer des soucis (anxiogènes car diffus et insaisissables) en problèmes (des écarts de performance actionnables). Il s’agit d’une révélation ainsi que d’un soulagement pour les équipes que nous accompagnons.

7. Réussir sa journée

Au quotidien, avec l’amélioration continue nous souhaitons aider l’équipe à faire une chose : réussir sa journée. Car nous pensons que chacun a le droit de réussir. Et la première étape dans la réussite est de comprendre ce que l’on doit réussir, aujourd’hui. C’est pour cela que les indicateurs opérationnels sont déclinés autour du travail de l’équipe et pas nécessairement autour des besoins de reporting du management. Nous clarifions le challenge en mettant au clair ce que l’équipe doit réussir aujourd’hui. Combien d’évolutions par jour livrées pour une équipe IT de tierce maintenance applicative. Combien de tickets de support traités par une équipe IT de support de niveau 2. Combien de régularisations par une équipe de recouvrement dans une institution financière. Combien de dossiers montés par une équipe de vente à distance.

Il y a eu cette vague un peu étrange de la gamification au début des années 2010. Plutôt qu’aller chercher des likes auprès de ses collègues, badges d’honneur à la valeur client peu évidente, nous proposons une gamification (guillemets avec les doigts) ayant pour but de marquer des points auprès des clients, en organisant les indicateurs de telle sorte à ce que l’équipe dispose des manettes pour améliorer sa performance, chaque jour.

8. Rendre les choses explicites

Suivre la performance ensemble implique que celle-ci est visuelle, affichée au mur. A tout moment, chacun dans l’équipe peut ainsi savoir s’il est en train de réussir. Au delà de la performance (et des écarts qui représentent des problèmes à traiter) l’équipe affiche aussi deux éléments essentiels de sa performance : les stocks et les pièces défectueuses.

L’objectif est de travailler ensemble à la résolution de ces gaspillages. Rendre ces éléments explicites est aussi un gage d’alignement de l’équipe : elle peut se mettre d’accord sur le sujet principal du jour et s’organiser en fonction du contexte de la journée.

9. Placer les personnes, ensemble, face au problème

L’amélioration continue prend comme postulat que les problèmes sont affichés au mur pour les rendre visibles et pour qu’ils soient traités. Il s’agit d’un changement radical de posture dans notre rapport à notre travail et dans le rapport à l’autre.

Ainsi affiché en tant qu’écart de performance, le soucis devenu problème n’est plus perçu comme le fruit du travail de l’un ou l’autre, chargé d’affect, mais comme un obstacle qui nous empêche de réussir. Nous sommes côte à côte pour y réfléchir. Voir à ce sujet cette belle citation de Jean Monnet.

La rigueur de l’approche scientifique du PDCA amène un effacement de soi qui va permettre une réflexion plus libre et davantage de collaboration. Qu’importe qui apporte la solution : la plus adaptée sera celle qui apporte le meilleur résultat mesuré.

10. Actes de foi, Theory X et principes Kaizen

Franchir ce pas de la transparence est un authentique acte de foi car en affichant ainsi sa performance et ses gaspillages au vu et au su de tous, l’équipe se place dans une position de vulnérabilité. Notre position sur ce sujet : ce faisant l’équipe devient aussi davantage digne de confiance. Cela représente une vertu de grande valeur pour l’ensemble de l’organisation.

Par ailleurs, nous croyons profondément que chacun vient à son travail chaque jour pour donner le meilleur de soi et, en cela, nous sommes alignés sur la Theory Y de Douglas McGregor. Et pour s’assurer que chaque personne évolue dans ce nouveau contexte dans des conditions de sécurité psychologique, nous mettons en œuvre les principes Kaizen.

Ce sont ces principes qui permettront aux équipes d’expérimenter dans un contexte sécurisé et ainsi de développer de nouvelles compétences.

Le regard sur le monde, l’effacement de soi et la vertu

Pour conclure sur les vertus du Lean management et de l’amélioration continue je vous propose cette splendide citation d’Iris Murdoch :

Pour bien réagir au monde il faut le percevoir clairement, cet effort requiert un effacement de soi. Tout ce qui peut modifier la conscience dans un sens désintéressé, objectif et réaliste doit avoir rapport avec la vertu. (Iris Murdoch)

(Photo Xavier Foreau)

Cecil Dijoux

Une réflexion sur “Lean Management ou les vertus de l’amélioration continue (2/2)

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