Deux enseignes de distribution que nous appellerons A et B, ont un même problème complexe. Voici le contexte: le marché est saturé, la concurrence s’accroit notamment avec le développement des ventes sur Internet, et malgré de gros efforts promotionnels et publicitaires, le chiffre d’affaire et le nombre de clients stagnent, les marges n’augmentent plus (elles sont même légèrement à la baisse en raison des promotions toujours plus importantes) et les coûts progressent (personnel, énergie, publicité…). Les deux enseignes voient donc leurs résultats se dégrader.
A et B décident donc de prendre le problème à bras le corps et de se faire accompagner …
Un cabinet renommé ayant étudié le problème sérieusement en partant de la problématique de résultats, propose à l’enseigne A d’aller voir et comprendre sur le terrain, les activités réalisées par les collaborateurs puisque les frais de personnel représentent la très grande majorité des coûts (tête de Pareto). La méthode d’observation met vite en lumière qu’une partie des activités réalisées est inutile (+de 30%). Cela s’appelle les activités dites « de gaspillage ». Le cabinet propose donc grâce à ses méthodes d’accompagner les équipes en magasin pour éliminer ces gaspillages, et par conséquence, d’améliorer d’autant la productivité, donc de réduire les frais de personnel…. L’enseigne A est emballée et se fait accompagner.
Un autre cabinet ayant étudié le problème tout aussi sérieusement pour l’enseigne B repart du client et en tire les conclusions suivantes : certes, le marché est saturé et les ventes sur Internet progressent, cependant les clients interviewés, ou ayant répondu aux enquêtes disent en très grande majorité que les conseillers ne sont pas suffisamment présents en magasin et qu’il est donc difficile et long d’obtenir un renseignement pour acheter. Le cabinet propose donc d’aller voir et comprendre sur le terrain pourquoi les collaborateurs ne sont pas disponibles en magasin.
Avec une méthode d’observation (similaire à celle du cabinet précédent), les consultants se rendent compte des activités (nombre et temps) qui ne permettent pas aux conseillers d’être présents pour les clients ; comme par exemple les montagnes de stock en réserve qu’il faut ranger et compter avant de les acheminer en magasin, le montage d’articles techniques peu organisé, les réunions…etc. Le cabinet propose donc grâce à ses observations d’accompagner les équipes en magasin et en centrale pour travailler avec eux à l’élimination des obstacles qui empêchent une bonne présence pour répondre aux attentes des clients et explique le principe suivant « Dans un marché saturé, il faut être le meilleur aux yeux des clients, en bref : satisfaire le client avant tout ». L’enseigne B est emballée et se fait accompagner.
Quelques années plus tard, en voici les enseignements….
L’enseigne A a amélioré sa productivité et a diminué légèrement ses stocks et la casse, puisque les activités en réserve étant considérés en partie comme gaspillages, les résultats s’en trouvent donc améliorés. Quant aux équipes des magasins, tout au moins, pour la majorité de celles que j’ai croisées, elles n’ont pas véritablement adhéré à la méthode, comprenant qu’il fallait faire autant et mieux avec moins, pour améliorer le résultat de leur entreprise et faire surtout plaisir aux actionnaires.
L’enseigne B a amélioré son chiffre d’affaire et augmenté son nombre de clients. Les enquêtes de satisfaction sont éloquentes : les conseillers sont disponibles. La croissance est donc revenue dans ce marché toujours saturé. Les stocks ont fortement baissé (il n’y a quasiment plus de stock en réserve), les temps de montage d’articles techniques ont été divisés par 4 ou par 5. Les résultats se sont donc améliorés significativement (+ de chiffre d’affaire et – de coûts). Quant aux équipes, tout au moins celles que j’ai croisées, elles ont adhéré à la méthode et ont contribué à trouver des solutions pour améliorer l’existant, comprenant que l’enseigne cherchait à faire plus et mieux avec autant, et ce au nom de la satisfaction client.
Voilà donc un même problème, qui par des principes de résolution fondamentalement différents (résultat vs satisfaction client) conduit à des résultats et une implication des équipes tout aussi différents… !
C’est très intéressant de voir comment deux approches Lean en apparence conduisent à des résultats totalement différents. quand j’ai lu la démarche de A, je pensais c’est bien. Et en lisant la démarche de B, je me suis dit c’est nettement mieux : on repart du client et on implique les collaborateurs dans la démarche.
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