Selon leur métier, certaines équipes doivent s’adapter quotidiennement en fonction des flux entrants, des événements du jour et du planning d’absence. Il est courant de voir un manager affecter des tâches à ses subordonnés selon un contexte et un but connus de lui seul (c’est lui qui sait après tout…), mais beaucoup moins d’observer une équipe s’auto-organiser quotidiennement pour être en capacité de répondre à ses clients.
Article modifié le 29 septembre 2017.
Le principe du management visuel est de Comprendre ensemble, voir ensemble et agir ensemble. Non, ce n’est pas une fadaise ou un vœu pieux. Le changement est possible à condition de construire l’environnement propice à la réussite des personnes, c’est-à-dire leur offrir la possibilité de prendre/retrouver confiance en soi, la confiance dans l’équipe et la confiance dans le management, le tout en s’appuyant sur l’apprentissage continu des individus, le droit à l’erreur et la bienveillance du management.
Comme le dit bien Cécile Roche, le Management Visuel, c’est «travailler en équipe pour savoir quelles sont les choses importantes à mettre sur les murs qui vont permettre au bon moment de prendre la bonne décision.»
Entrons dans la vie d’une équipe… Une équipe support d’une dizaine de personnes s’est lancée dans une démarche de Lean Management pour réduire les sollicitations entrantes et améliorer (en termes de qualité et délai) le traitement de celles-ci pour satisfaire pleinement ses clients.
Comprendre ensemble
Comprendre ensemble, c’est comprendre en équipe les attentes du client. Que veut-il ? Pour quand ? Où ? Qu’est-ce que le bon produit pour le client ? Quel problème client l’équipe va-t-elle résoudre avec son produit ou service ? Comment déclencher l’effet «Wouah» chez le client ?
Comprendre ensemble, c’est avoir la bonne connaissance du produit / service que l’équipe réalise. C’est savoir où sont les problèmes (exemple d’une cartographie des flux de transferts de fichier indiquant visuellement – en rouge – les canaux KO).
Comprendre ensemble, c’est comprendre le processus de production qu’utilise l’équipe pour réaliser le produit ou service. Ce processus doit être analysé régulièrement pour y détecter la variabilité (4M : Machine, Matériau, Méthode, Main-d’oeuvre) et les gaspillages (surproduction, retouche, gestes inutiles, transports, étapes inutiles, attentes et stock) afin de les réduire, voire de les supprimer.
Comprendre ensemble, c’est également comprendre l’équipe. C’est certes savoir qui est présent pour organiser l’activité du jour, mais c’est également comprendre les compétences de chacun pour réaliser une bonne pièce. Les bacs rouges peuvent servir à détecter un besoin de formation (Dojo, Kata…) d’une ou plusieurs personnes sur un geste bien précis (lire : Le bac rouge, ce n’est pas que pour les mauvaises pièces).
Comprendre ensemble c’est aussi comprendre le produit et comment celui-ci s’articule dans la vision stratégique de la direction. C’est pour cette raison que dans l’Obeya (la grande salle de pilotage de développement produit), le produit est affiché au mur afin de rendre visible les sujets de conception, de qualité et les paramètres de préférences client.
Comprendre ensemble, enfin, c’est rendre visible les choses, les flux, les problèmes, les réussites, les mesures… C’est aussi arrêter de passer son temps à produire des dizaines de fichiers Excel®, des centaines de reporting opérationnel ; parfois (souvent ?) modifiés pour ne pas alerter le management et ainsi éviter les foudres d’une hiérarchie peu encline à sortir de son monde tayloriste.
Tout en respectant le principe du Management Visuel cité plus haut, l’équipe réfléchit aux mesures de performance (de to perform «réaliser» > ancien français parformer «parfaire» > altération de parfournir > de fournir) lui permettant de voir ce qui entre et ce qui sort quotidiennement, sans oublier la perception des services par le client. Cette étape a mis en lumière le traitement par l’équipe de sollicitations qui ne sont pas de son périmètre. Tout le monde le savait, mais personne – si ce n’est la personne travaillant sur ce sujet, et encore – n’avait d’idée du volume et du temps passé à les traiter. Elles sont aujourd’hui intégrées aux mesures.
La mesure étant un juge de paix car factuelle (attestée, observable, réelle), l’équipe s’était donc mise en quête d’identifier tout ce qui entre chez elle pour avoir une vision exacte de son travail. Avant, elle savait qu’elle avait une grosse centaine d’appels par jour, aujourd’hui elle connait précisément quotidiennement le volume entrant, le volume sortant et le stock à traiter.
En complément, l’équipe rend visible – avec le soutien d’équipes de développement – les prochaines mises en production des versions applicatives (apportant des corrections ou des évolutions), les incidents de production survenus les derniers jours avec la solution de contournement pour dépanner les utilisateurs sollicitant le support.
Les graphiques sont en place, affichés sur un mur et visibles de tous. L’équipe commence à voir ensemble lors de la réunion quotidienne animée par le team-leader. Elle débute l’appropriation de son propre fonctionnement.
Voir ensemble
En regardant chaque jour les mesures affichées, l’équipe entre dans la réflexion (penser, chercher, cogiter) et commence à se poser des questions : «Pourquoi le stock a augmenté de 53 le 13 ?», «Comment ça se fait que nous ayons traité 13 demandes et moins de 10 incidents le 17 ?», «Nous étions combien le 16 ?», «Et le 17 ?», «Demain, nous sommes 3 de moins et une nouvelle version de MonConseiller utilisé par 350 personnes a été mise en production aujourd’hui ; on fait comment ?»…
Remarque : pour faciliter la compréhension de l’équipe, il est important d’indiquer sur les graphiques les raisons des pics et des vallées sinon au bout de quelques jours l’information est perdue. Les mesures sont présentées quotidiennement par des membres de l’équipe.
L’équipe commence à réfléchir à sa propre organisation pour satisfaire ses clients, sous la bienveillance de son manager qui soutient la démarche et n’intervient pas dans les réflexions.
Agir ensemble
L’équipe décide d’afficher sur un mur ses activités pour matérialiser ses différents processus, puis chaque personne prend en charge un ou plusieurs processus en fonction de ses habitudes. L’exercice met alors en évidence les processus non couverts du fait de l’absence – prévue et imprévue – de certaines personnes. S’ensuit la concrétisation de la prise de conscience : des personnes, en fonction de leurs compétences et de leur capacité, prennent à leur charge tout ou partie des processus restants.
L’équipe devient auto-adaptative et polymorphe au lieu d’être attentiste et quasi statique par habitude. Elle prend ses propres décisions en s’appuyant sur des faits mesurés et incontestables. En agissant ainsi, elle teste sa propre réflexion collective. Si les résultats affichés par la mesure ne sont pas en phase avec les ceux attendus, l’équipe les verra, les comprendra et elle agira autrement.
Exemple de Management Visuel
À partir des indicateurs de performances, l’équipe sait, comme indiqué ci-dessus, s’il y a un problème ou pas. En cas d’écart – notamment sur la qualité – l’équipe agit en double-détente :
- Protéger les client : l’équipe s’organise pour ne pas transmettre un défaut au client. C’est le principe du mur de la qualité.
- Résoudre définitivement ce problème pour qu’il ne se reproduise plus.
Quels que soient les résultats, chaque personne apprend ; l’équipe elle-même apprend. Elle se crée ainsi une mémoire collective qui, jour après jour, s’enrichit de son expérience – elle-même collective – lui permettant, en s’appuyant toujours sur la mesure, de décider par elle-même. C’est à ce moment précis que la notion d’équipe (de équiper > esquiper > ancien normand skipa > skip «navire») prend tout son sens, car si tous les membres d’équipage d’un navire agissent les uns contre les autres pendant la tempête, ce dernier risque de sombrer.
Quotidiennement, lors du rituel d’équipe, l’intelligence collective de l’équipe s’interroge sur sa propre organisation pour déterminer si elle est optimisée pour satisfaire pleinement ses clients en fonction du contexte du jour.
En complément, lire l’article Le Management Visuel, pour quoi faire ?
Crédit photo : National Geographic / © Christopher Swann / Biosphoto
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14 réflexions sur “Le Management Visuel, ce révélateur pour l’auto-organisation”