15 leçons de management de Taiichi Ohno (2/2)

10 management lessons taiichi ohno

Deuxième partie de l’article consacré à l’ouvrage de Takehido Harada.

La première partie de ce billet explique la pertinence d’un tel ouvrage aujourd’hui et décrit les six premières leçons. Cette seconde partie se consacre aux neuf suivantes.

7/ Multi-compétence et connaissance du processus suivant

La vision de Ohno est celle d’une chaîne de production fluide dans laquelle la pièce (dans le cas de Toyota : la voiture) évolue sans à coup, attente ou retour du premier au dernier processus. C’est le principe essentiel de flux continu. Afin de réaliser cette vision, les opérateurs doivent développer la connaissance du processus suivant afin d’aider l’opérateur de ce processus s’il a un problème pour ne pas perturber le flux. L’image est celle de la course de relais : il est important que l’opérateur du processus N donne la pièce à la main à l’opérateur du processus N+1 afin de rendre visible la différence de vitesse. Hakada insiste sur la différence entre suivre les multi-compétences des collaborateurs (indicateur de moyen) et suivre les interruptions de flux (indicateur de résultat).

8/ La productivité est un résultat, pas un objectif

Le rôle du manager n’est pas de piloter par les chiffres mais de connaitre la réalité et de corriger les problèmes. Selon Ohno, si une équipe n’atteint pas ses objectifs, le manager doit aller sur le terrain et comprendre ce qui l’empêche d’y arriver ainsi que ce qui empêche le flux de valeur d’avancer de façon fluide et continue. Les spéculations et calcul dans les bureaux n’apporteront rien comparé à l’amélioration continue, sur le terrain, chaque jour, soutenue par le manager.

9/ L’exigence envers le management

Dans ses nombreuses visites terrain, Ohno éprouvait beaucoup d’empathie pour l’opérateur car c’est lui qui crée de la valeur. En revanche, il se montrait implacable avec les managers. Selon Ohno, leur rôle est de faciliter la tâche aux opérateurs en supprimant tous les gaspillages qui l’empêchent de travailler sereinement et qui font obstacle au flux continu de création de valeur. Ainsi Ohno regardait toujours le stock intermédiaire, le flux de valeur et observait pour voir si l’opérateur travaillait selon le standard de travail. Ohno était intraitable avec le manager et ou le superviseur s’il observait un écart sur ces sujets car cet écart était la preuve que le manager n’aidait pas ses équipes. Harada demandait ainsi toujours à ses managers de retirer leur casquette de contrôle (control hat) pour mettre à la place leur casquette de « Je rends le travail facile à mes équipes ». 

10/ Superviseur et Andon

Dans la continuité du manager dont le rôle est d’assurer le flux continu, le rôle du superviseur est d’aller à l’endroit du problème lorsque la chaîne s’arrête et de réfléchir aux causes racines du précédent arrêt lorsque la chaîne fonctionne. L’idée de l’arrêt de la chaîne avec le Andon, s’inscrit dans l’obsession de Ohno pour la simplicité. Cette simplicité a des répercussions importantes (arrêt de la chaîne, personnes qui attendent) mais a l’immense vertu de rendre les choses claires et les problèmes visibles. Une des pires situations dans une chaîne de production est l’incapacité de déterminer si l’on se trouve dans une situation normale ou anormale. Harada explique que le souhait de Ohno est de ne jamais se retrouver dans cette situation.

11/ Standard et Kanban

La vision du rôle du management est encore et toujours celle de support aux équipes terrain : leur permettre de bien faire leur travail, sans erreur, même s’il est fait lentement. Le standard s’inscrit dans cet objectif : mettre les personnes en condition de faire selon la meilleure façon connue aujourd’hui pour garantir sécurité et efficacité. Pour Ohno, le standard clairement affiché est la clef du Kanban (signal permettant à chaque employé de savoir sur quoi il doit travailler maintenant) car ainsi on facilite le flux continu de valeur sur la chaîne de production.

Au sujet du management visuel, Harada avance qu’il présente d’autres vertus, à savoir créer un contexte motivant les équipes. Les 3 éléments selon Harada pour créer ce contexte sont :

  1. Il est facile de voir l’effort investi par les collaborateurs dans leur travail.
  2. Tout le monde peut voir le résultat du travail fourni.
  3. Tout le monde peut voir les résultats des changements apportés et comment ils affectent le produit.

12/ L’amélioration continue, encore et encore

Harada raconte l’anecdote d’un opérateur qui après avoir installé la pièce sur une machine doit marcher jusqu’au bouton (fixe) de lancement de la machine. Ohno, voyant cela, demande aux managers de réfléchir à un bouton mobile que pourrait presser l’opérateur sans avoir à revenir jusqu’à ce bouton fixe. En développant une solution mobile, les managers ont permis à l’opérateur de réduire de 10 % la distance parcourue dans la journée. L’idée ici est que l’amélioration continue nécessite de la persévérance : aller sur le gemba chaque jour pour réfléchir à de nouvelles améliorations. En outre, Harada insiste ici sur les vertus de l’automation à une touche « one-touch automation » plus simple et moins coûteuse que l’automatisation complète.

13/ Les coûts cachés de la super machine

Harada raconte comment Ohno s’emporte envers un superviseur qui a acheté une grosse machine complexe nécessitant la supervision d’une personne à temps complet.  Selon la perspective d’Ohno, cette machine devient un SPOF (single point of failure) et un risque important pour le flux continu. En effet, le fait qu’une seule personne sache la gérer rend la production fragile en cas d’absence de cette dernière. Ohno a donc insisté pour que chacun sur la ligne soit formé au contrôle de cette machine. On voit ici une autre idée fausse à l’œuvre : croire qu’une machine va améliorer la production de la chaîne et en réduire les coûts. Mais dans ce dernier calcul on évite soigneusement de regarder tous les à-cotés aux coûts importants.

14/ Ingénieurs de production et les deux dimensions de l’organisation

Ohno considère les départements comme la dimension verticale de l’organisation. Il est cependant essentiel que des équipes soient en charge de la dimension horizontale et de l’ensemble du flux de valeur : c’est le rôle des ingénieurs de production. Ohno attend que ceux-ci portent une attention toute particulière aux 4 éléments qui affectent directement la qualité, le coût et la capacité à livrer : les traitements, l’inspection, les transports et les attentes. Ohno utilise la métaphore d’un tissu avec les fibres verticales et les fibres horizontales : les ingénieurs de production sont responsables de la qualité du tissu.

15/ Le plus petit lot est 5

Malgré sa vision idéale du flux continu tiré à une pièce (one piece flow), Ohno a tout d’abord préconisé pourtant d’utiliser comme lot minimal 5 pièces, comme les 5 doigts de la main. Nous sommes encore dans cette recherche de la simplicité pour l’opérateur. Ce qui est intéressant de noter c’est qu’au final, le TPS a atteint cette vision idéale du processus à une pièce. Comme si Ohno lui-même doutait de la faisabilité et du bien fondé de cette vision et se contentait d’un lot minimal à 5. La puissance de sa vision l’a manifestement dépassé et le Kaizen a permis de déployer cette vision non seulement chez Toyota, chez d’autres constructeurs automobiles mais aussi dans d’autres industries.

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