Le Lean management nous incite à trouver des problèmes et à les « résoudre de la bonne façon ». Cette activité est au cœur de l’acquisition de compétences, chez Toyota, puisque l’on considère qu’en explorant les causes du problème et en les résolvant une à une, la personne crée un nouveau savoir pour elle et éventuellement pour d’autres.
Ceci dit, il est difficile de bien poser un problème et le coach sait qu’il faut séparer le problème du souci ou du symptôme. J’avais entendu il y a quelques années une chronique de Danièle Sallenave, membre de l’Académie Française, dans laquelle elle différenciait clairement souci et problème. Je viens de la retrouver, par hasard, et je la partage avec vous :
« … dans la langue commune : on ne dit plus « avoir un problème » mais « avoir un souci ». « Avoir un problème » ne relevait pas de la très bonne langue, c’était une expression assez relâchée. Mais son effacement devant « avoir un souci » est révélateur de bien autre chose. »
Un problème, c’est, du grec problèma, « ce qui est lancé en avant », quelque chose qu’on pose devant soi pour l’examiner, c’est une question qu’on cherche à objectiver, afin de découvrir un moyen ou une méthode pour la résoudre. En matière scientifique, mais dans la vie aussi : « un problème de santé » ou « un problème de couple », ce sont des difficultés qu’on rencontre, sans doute, mais avec l’espoir de les dépasser, et qu’on se propose d’analyser le plus correctement possible afin d’en trouver la solution, traitement médical ou divorce.
Il en va tout autrement du souci. Souci est un déverbal de soucier, du latin sollicitare, « tourmenter, préoccuper ». Solliciter, apparu au XIVe siècle, a eu d’abord ce sens. Le souci est donc un ébranlement profond (notons au passage que la fleur appelée souci est tout autre chose : une sorte de tournesol. Souci, c’est solsequium, « ce qui suit le soleil ».)
Un souci est donc bien un problème mais vu sous un autre angle : non pas sous l’angle de la difficulté à résoudre, et donc de l’action éventuelle qu’il convient de mener pour la régler, mais sous l’angle affectif, psychologique. Le « souci » est produit par un « problème » qui vous accable, vous domine, mais sans qu’on n’y puisse rien, sans qu’on songe à s’en débarrasser.
On voit donc tout ce qu’entraîne le glissement du mot problème vers le mot souci. Il est très significatif. Quand l’aspect psychologique et affectif l’emporte sur l’aspect pratique et rationnel d’une question, cela n’est pas un progrès : ce n’est pas une vision dynamique, forte, courageuse de notre destin. C’est le signe d’un découragement, d’une lassitude, d’un renoncement. Un problème donne du souci, c’est évident, mais il ne devrait pas se confondre avec lui. Devant le souci, je baisse les bras. Devant un problème, je retrousse mes manches.
Les deux mots ne sont donc pas synonymes. En finir avec le souci, qui est une douleur, même petite, demande que l’on soit capable de faire du souci un problème. Inversement, pour le candidat au baccalauréat, le problème (de math) devient un souci quand justement il n’arrive pas à le résoudre. »
Danièle Sallenave de l’Académie française
Voilà donc à quoi fait référence un problème : un sujet que l’on cherche à objectiver et à dépasser. Un bon PDCA comporte toujours un problème décrit comme un écart de performance. Quelques exemples :
- 200 dossiers en stock aujourd’hui et un objectif de 50 : écart de 150 dossiers,
- 30 incidents par mois et un objectif de 10 : écart de 20 incidents par mois
- Etc…
Ces deux problèmes ne résistent pas longtemps et se résolvent de façon classique avec les méthodes Lean.
Un souci s’exprimerait différemment :
- « on n’arrête pas de changer de dossier, c’est sans fin » (ce qui arrive quand on a trop de dossiers en stock),
- « à la cantine, personne ne me dit bonjour » (quand il y a tous les jours un incident qui bloque le travail des collègues)
Exprimé sous forme de souci, le sujet devient flou, difficilement actionnable.
Qu’en est-il du symptôme ?
Les symptômes de la grippe sont de la fatigue, de la fièvre, des courbatures et des maux de tête. Ils alertent sur le fait que la situation n’est pas normale et qu’il serait temps de chercher quel est le problème.
Les symptômes d’un stock trop important de dossiers sont des clients irritables, des changements de priorité fréquents pour calmer un interlocuteur trop pressant ou VIP, des appels en continu pour « savoir où en est tel dossier ? », etc…
L’un des talents du coach lean consiste à aider ses interlocuteurs à clarifier leurs idées, à séparer souci et symptôme et factualiser le problème à résoudre.
Pour élargir cette réflexion, voici une excellente présentation d’Antoine Contal sur les A3 de résolution de problème. La qualité du son n’est pas excellente mais le fond est fort intéressant.
Après avoir lu cet article, comment évaluez-vous le titre de vos PDCA ? Souci, problème ou symptôme ?
Great bloog I enjoyed reading
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