Le Management Visuel, pour quoi faire ?

Le Management Visuel, pour quoi faire ?

Comme nous l’écrivions ici, le management visuel est une des techniques du Lean Management permettant aux équipes le pratiquant de s’auto-organiser autour du son triptyque Comprendre – Voir – Agir. Mais au-delà de cette transformation de l’équipe, ce management visuel, à quoi sert-il ?

Apprendre à voir les problèmes

« Apprendre à voir » est un des principes fondamentaux du Lean Management. Comme l’écrivent Michael Ballé, Dan Jones, Jacques Chaize et Orest Fiume dans La Stratégie Lean, Eyrolles, 2017 :

La visualisation est une technique propre au Lean, qui anime l’espace de travail et permet aux collaborateurs de se confronter facilement aux problèmes car ils leur sautent aux yeux. Par exemple, la file des cartes kanban à chaque poste de travail (en production comme aux études) matérialise si nous sommes en retard (les cartes kanban s’accumulent) ou en avance (il n’y a plus de cartes).

Une équipe, quelle qu’elle soit, qui initie une démarche Lean avec son coach commencera par construire son management visuel en y associant les rituels quotidiens. Le management visuel constitué n’est pas un gestionnaire de tâches, mais un révélateur dynamique de problèmes (un problème = un écart de performance = un écart entre une situation attendue et la situation réelle. Lire l’article Problème, souci ou symptôme de Marie-Pia Ignace).

Taiichi Ohno (1912-1990 ; l’un des inventeurs du Toyota Production System) disait

Ne pas avoir de problèmes est le plus gros problème qui soit.

Shigeo Shingô (1909-1990 ; l’un des inventeurs du Kanban et du SMED chez Toyota) n’en pensait pas moins :

Ne demandez pas à votre personnel de vous apporter des solutions, demandez lui de vous apporter des problèmes.

Si ce management visuel ne révèle par d’écart, c’est que tout va bien (vraiment ?) ou qu’il n’est pas encore suffisamment représentatif de la réalité opérationnelle ou qu’il a été mis en place pour rassurer le management… vous savez, les fameux indicateurs pastèques (verts à l’extérieur pour indiquer au management supérieur que tout va bien alors que sur le terrain – intérieur de la pastèque – tout est rouge) ! Comme l’écrit bien Cécile Roche dans l’un de ses articles :

[…] gérer les indicateurs pour que celui qui les lit y trouve l’histoire qu’il a envie d’entendre. De cette façon, tout le monde est content… celui qui fait le tableau de bord ne sera pas embêté, celui qui le lit, qui se convainc que tout est sous contrôle. Et le tour est joué, on continue de dépenser de l’énergie à faire des tableaux de bord qui ne servent à rien […]

et de compléter

Il est plus simple d’apprendre à gérer l’indicateur que de s’attaquer à ce que l’on voudrait mesurer.

Combien de fois ai-je vu, dans différentes entreprises, des tableaux « À faire, en cours, terminé » présentés comme du « management visuel » et à l’abandon depuis plusieurs semaines, voire mois car les personnes n’y trouvaient finalement aucun intérêt. C’est tout à fait compréhensible, car, au final, ce type d’affichage n’est qu’un gestionnaire de tâches formalisé en dehors d’Excel. Il est donc impératif que le management visuel construit par l’équipe ait une véritable utilité.

Sans données, rien n’est possible

Le management visuel est également essentiel dans la collecte de données factuelles ; c’est ce que nous a rappelé Aurore Xémar au « Lean en France » d’octobre dernier. Lors de sa présentation sur le Right First Time Thinking, Aurore nous a révélé qu’une de ses erreurs a été de

ne pas avoir de mesures pour rendre visible son problème.

et de citer W. Edwards Deming (1900–1993) :

Sans données, vous n’êtes qu’une autre personne avec une opinion.

Ce que dit également d’une autre manière Peter Scholtes (1938-2009), Président du Deming Transformation Forum, titulaire de la Médaille Deming :

Dans un monde sans données, l’opinion prévaut.

Le management visuel – au travers des mesures, des écarts visibles… – permet de passer de l’opinion à des éléments factuels pour prendre les bonnes décisions au bon moment.

Voir pour résoudre et apprendre

Le management visuel est un des éléments de l’échafaudage qui autorisent l’apparition d’un cadre favorisant l’apprentissage des collaborateurs. En effet, associé à la résolution de problème – avec la technique du PDCA – l’équipe apprend à voir ses écarts de performance (= problèmes) et à les résoudre quotidiennement (cela ne veut pas dire que le problème est résolu en un jour, mais que le PDCA associé est lancé et suivi).

L’équipe doit quotidiennement s’interroger face à son management visuel :

  • Pourquoi ce ticket est en attente depuis 3 jours ?
  • Pourquoi avons-nous sorti 13 pièces sur les 15 prévues hier ?
  • Pourquoi avons-nous autant de sujet en attente de réponse du support N3 ?
  • Pourquoi avons-nous 11 pièces dans notre bac rouge ? Ont-ils été analysés ? Les causes premières ont-elles été recherchées ?
  • Pourquoi notre Lead Time augmente depuis 3 jours ?
  • Pourquoi sur la semaine nous avons réussi à dépasser notre objectif quotidien ?
  • Pourquoi les 7 derniers clients disent qu’ils ne sont pas satisfaits de la qualité alors que nos critères sont respectés ?

Autant de problèmes qui offrent une capacité infinie d’apprentissage pour les membres de l’équipe.

Pour y arriver, il est également important que le management crée l’environnement favorable à la résolution des problèmes. Il est évident que si l’équipe n’a pas le temps dans ses journées de travail de pratiquer l’amélioration continue (Job = Work + Kaizen), elle s’essoufflera très vite. Lire à ce titre, l’article Le rôle du manager Lean de Christian Ignace.

Isao Yoshino (40 ans chez Toyota et notamment training manager pour NUMMI la joint- venture créée avec General Motors) nous expliquait lors du dernier Lean Summit à Lyon :

At Toyota, managers say « No problem is problem. » They know there will be problems. It is managers’ job to see problems. Managers create an environment where people are encouraged to surface problems.

Un management visuel spécifique

Le management visuel qui appartient à l’équipe doit s’adapter à son contexte et à ses problématiques. Il doit être adapté, modifié, voire entièrement repensé si c’est nécessaire. On n’impose pas le même management visuel à toutes les équipes, c’est du taylorisme au même titre que d’imposer à toutes les équipes les mêmes processus ; nous sommes loin du Lean. De même, un management visuel ne se copie pas d’équipe en équipe.

W. Edwards Deming, encore et toujours lui, nous le disait :

Je crois que les gens attendent des miracles. Les chefs d’entreprise américains pensent qu’il suffit de copier ce qui se fait au Japon – mais ils ne savent pas quoi copier.

Toutes les équipes que nous accompagnons ont un management visuel, mais aucun n’est identique ; même pour des équipes qui semblent faire le même type de travail. Nous trouvons dans chacun des éléments-clés adaptés, encore une fois, au contexte de chaque équipe.

Et vous, que vous apprend votre management visuel ?

12 réflexions sur “Le Management Visuel, pour quoi faire ?

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