De quelle obeya parle-t-on ? L’obeya de projets

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On a déjà présenté sur ce blog l’obeya de management, qui vise d’une part à aligner deux niveaux de management sur des objectifs communs et d’autre part à entretenir une culture de l’amélioration continue via une présentation en continu de PDCA. Mais dans la mesure où « obeya » signifie « grande salle », il est tout à fait acceptable d’utiliser le même mot pour un usage différent : la conduite de projet. Notre expertise à Operae porte sur le Lean en informatique et ce billet sera éclairé par des exemples venus de l’informatique. NB : Il existe bien entendu des obeya utilisées en ingénierie de produits bien plus physiques [1].

Quels bénéfices attend-on de son obeya de projet ?

Vitesse

En matière de Lean en informatique, je constate que l’obeya sert soit à développer de l’agilité dans les projets –on vise alors à livrer plus vite-, soit à livrer à l’heure des projets structurants comme par exemple la création de systèmes d’information qui répondent à un besoin réglementaire.

Dans tous les cas, l’obeya favorise :

  • la collaboration entre les membres du projet. Les tensions disparaissent, ce qui était implicite devient explicite et l’équipe projet avance ensemble ;
  • la qualité par l’élimination des défauts/bugs très en amont dans la construction ;
  • la baisse des coûts pour plusieurs raisons : on ne développe que ce qui est utile, la qualité est bonne donc les coûts de correction disparaisse, les besoins d’arbitrage, comitologie, replanification, etc… diminuent,

et surtout, le produit livré plait aux clients / utilisateurs.

Deux exemples de la magie de l’obeya pour des projets informatiques :

  1. Deux assureurs concurrents déjeunent ensemble et évoquent, au moment du café, le coût du projet qu’ils viennent chacun d’achever pour répondre aux exigences d’une nouvelle réglementation financière. « 7 années homme » dit l’un, encore effaré du budget, « 90 » dit l’autre. 13 fois plus !

L’équipe projet de la première  avait bien eu l’impression, presque suspecte, que le projet avançait bien, de façon fluide, sans ces périodes classiques d’explosion de stress et de décisions brutales. Il y avait des moments héroïques et plaisants où l’on trouvait une façon de simplifier soit les fonctionnalités, soit leur design, avec comme fil directeur de livrer une solution élégante. Enfin, le projet avançait vraiment, l’impression d’aller de comité en réunion et de produire plus de slides et de .doc que de valeur avait disparu. Comme par magie.

  1. Une société de e-commerce ayant largement dépassé le stade de la start up décide d’investir sur son site mobile. Elle dispose bien sûr d’un site web accueillant des dizaines de milliers de clients chaque mois. Elle dispose aussi d’application pour mobile, dont le succès était plus mitigé : sa note dans les stores était médiocre (donc peu de téléchargement) car les clients abandonnaient leur panier avant d’avoir payé. Bref, un constat désolant au moment de lancer le projet de site mobile.

Le projet se construit autour d’une obeya et d’une échéance courte : le site mobile doit être en ligne avant les soldes. Ici, l’obeya a permis de révéler les points faibles du projet, de les affronter de façon dynamique et de créer une véritable cohésion d’équipe. Le premier des sept panneaux de l’obeya décrit ce que l’entreprise attend du projet, c’est un point de vue stratégique. Dans le cadre de ce site web mobile, les participants à la création de l’obeya se sont rendu compte qu’ils en avaient une compréhension différente. Ils y ont réfléchi ensemble au cours de l’atelier de construction de l’obeya, se sont mis d’accord, bref, se sont alignés avec les attentes de la direction générale. L’obeya c’est une façon de passer de l’implicite finalement peu partagé à l’explicite !

Obeya : les grands principes

L’obeya s’adresse à un groupe de personnes qui collaborent sur un projet. Elle est animée par un « chief engineer / ingénieur en chef » qui a peu ou aucun lien hiérarchique avec le groupe. Dans la pratique, le chief engineer fédère le groupe par son leadership et non par son autorité. L’obeya l’aide à y parvenir.

Dans l’informatique, ce rôle est assuré / assumé par un chef de projet ou un directeur de projets. Le groupe comporte par exemple un architecte, quelques développeurs, un ou plusieurs testeurs, un intégrateur, etc…

L’obeya est une grande salle qui comporte 7 panneaux, c’est un standard :

  1. objectifs et vision
  2. voix du client et préférences
  3. produits cible et intermédiaires
  4. indicateurs
  5. macro plan
  6. pilotage de la production (ou planning à court terme)
  7. résolution de problèmes.

L’équipe projet et son animateur construisent l’obeya pour se clarifier les idées, faire apparaitre les ambiguïtés mais aussi les points mal maitrisés et à risque. Elle utilise ensuite l’obeya de façon hebdomadaire pour partager l’avancement et mettre en évidence les problèmes (ce qui ne se passe pas comme prévu, de nouveaux risques, etc…).

Entre deux réunions quotidiennes, le chef de projet anime des ateliers de résolution de problèmes avec les bonnes personnes, ainsi que le préconise le Lean management, pour trouver des contre-mesures à mettre en œuvre immédiatement. Par exemple : constituer un binôme de développeurs le temps qu’un savoir soit partagé, trouver une façon plus simple de conduire les mêmes tests, constituer la « mallette de secours » de l’installateur de nuit (prise multiple, badge pour entrer, etc…).

Il fait aussi le tour des différents contributeurs pour s’assurer que tout va bien en terme de réalisation et que les décisions/orientations prises sont bien comprises. En Lean, on appelle cette pratique le nemawashi.

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@PierreJannez

 

En un mot, la magie de l’obeya de projet est celle du management visuel appliqué à la conduite de projet, en Lean informatique :

  • comprendre ensemble : ce que l’on doit construire, ce que l’on saura faire a priori facilement et ce qui va demander plus d’exploration ou d’imagination,
  • voir ensemble : comment le projet avance, est-ce que tout va bien, quelles sont les difficultés concrètes à adresser,
  • agir ensemble : se mettre d’accord au fil de l’eau sur des actions concrètes pour revenir à une situation normale et les mettre en œuvre immédiatement.

[1] Pour en savoir plus sur le sujet : http://www.institut-lean-france.fr/portfolio-item/ingenierie/