Quelles compétences clés devez-vous développer au 21e siècle ?

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Nous sommes en train de vivre une quatrième révolution industrielle avec la robotique, les transports autonomes qui vont bientôt arriver, l’intelligence artificielle, le « machine learning » et la biotechnologie.

Même sans travailler dans ces secteurs de pointe et d’innovation, votre propre travail aujourd’hui fait certainement face à de nombreux challenges. Le World Economic Forum (WEF) s’est penché sur ces questions et a publié il y a quelques temps un rapport sur « le futur du travail ». Cette étude a été réalisée auprès de plus de 370 directeurs des ressources humaines et des responsables de stratégie d’entreprise dans le monde entier, qui ont réfléchi et sont confrontés tous les jours à ces questions.

Ainsi certaines compétences clés à l’horizon 2020 ont été identifiées lors de cette étude. Et la première compétence clé à maîtriser dans ce monde est et reste depuis l’étude précédente pour 2015…… la résolution de problèmes complexes (voir ici).

Nous allons voir dans cet article quatre de ces compétences clé que vous pouvez acquérir grâce au Lean management.

Compétence : résolution de problèmes complexes

Pour le WEF, il s’agit de « capacités développées utilisées pour résoudre des problèmes nouveaux, mal définis dans les circonstances complexes du monde réel ».

Comme l’a très bien décrit Cecil Dijoux dans son article à propos de la résolution de problème, le Lean fournit la méthode scientifique de résolution de problème via le PDCA, Plan Do Check Act, issue des travaux de Deming, le père fondateur de la qualité. Je vous invite vivement à lire ses deux articles qui expliquent le sujet. Une autre source sur le sujet est un article du MIT Sloan Management Review « Saving Money Through Structured Problem-Solving » qui met en avant les bénéfices économiques de la résolution de problèmes.

Compétence : pensée critique (critical thinking)

Selon le World Economic Forum il s’agit de la capacité à « utiliser la logique et le raisonnement pour identifier les forces et faiblesses de solutions alternatives, conclusions ou approches aux problèmes ».

Tout dans le Lean incite à développer la pensée critique pour développer l’expertise de chacun dans son domaine. Voici ci-dessous quelques repères méthodologiques.

Challenger le statu quo

Encore faut-il challenger le statu quo pour identifier les bons problèmes, ceux qui permettent d’améliorer la performance d’une équipe ou d’une organisation au service de ses clients. En effet, étudier forces et faiblesses d’une solution ne sert à rien si cette solution ne répond à aucune cause de problème identifiée et confirmée, à aucun problème bien formulé, et pour aucun client. Qu’il soit externe ou interne.

Le Lean, avec la technique du PDCA ou celle de l’A3 (cf. sa section « contexte et enjeux ») aide à bien formuler un problème, de manière orientée client et business. C’est un outil d’alignement par rapport aux enjeux et à la stratégie de l’organisation.

Se méfier de nos idées

Le père du Toyota Production System, Taiichi Ohno, commence son livre «Workplace Management » par le constat critique que « nous sommes tous humains et nous avons tous tort la moitié du temps. ». Pour lui les personnes ont des idées qui ne sont pas à prendre pour allant de soi : il avait un esprit critique sur les opinions des gens. Je vous engage à lire deux autres articles de Cecil Dijoux qui expliquent très bien que les deux « techniques » pour lutter contre les idées fausses sont la visite terrain (gemba) et la résolution de problème par le PDCA.

Le coach Lean, « agent critique »

Le coach Lean ne cesse de faire travailler et utilise son « muscle critique » lorsqu’il accompagne un manager, un chef d’équipe ou un équipier pour l’aider à développer ses capacités de problem solver et apprendre ce qu’il lui manque en compétences pour supprimer un problème. En effet le coach Lean pose systématiquement les questions suivantes :

  1. Est ce que c’est un « bon » problème ?
  2. Est il bien posé ? Est il quantifié ?
  3. La personne comprend-elle le processus standard, c’est à dire les étapes réalisées lorsque le problème n’apparait pas ? Et où se trouve le point de cause du problème sur ce processus standard ?
  4. La personne identifie-t-elle les causes réelles en allant sur le terrain et en remontant ce processus standard pour identifier les causes racines ?
  5. Quelle action veut-elle tester pour supprimer cette cause ?
  6. Comment va-t-elle savoir si « cela marche » c’est-à-dire si le problème est supprimé ?

Les outils « critiques » du Lean

Ainsi les « outils critiques » du Lean, au sens qu’ils développent l’esprit critique de ceux qui l’étudient et le pratiquent, sont à mon sens :

  • la Voix du Client : ne pas prendre ses propres idées d’amélioration pour argent comptant, écouter ses clients et apprendre ce qui a de la valeur pour eux et identifier quelles sont les pistes d’amélioration, de leur point de vue.
  • La notion de gaspillages (par contraposée de la valeur) : ce sont nos idées fausses qui mènent à des décisions et pratiques qui génèrent des gaspillages c’est à dire des tâches qui n’apportent aucune valeur aux clients (à ce sujet, voir cet article)
  • Le PDCA : pratique suivant un raisonnement rigoureux
  • Le Go & See : se confronter soi-même directement à la réalité du terrain (à lire ici)

Compétence : créativité

Il s’agit ici de la « capacité à trouver des idées inhabituelles et/ou rusées à propos d’un sujet ou situation, ou de développer des manières créatives de résoudre un problème ».

De l’angoisse à la créativité

Comme l’a exprimé Benoit Charles-Lavauzelle, fondateur d’un startup studio appelé M33 et incubateur de startups, dans une de ses interviews à propos de l’approche Lean, les outils de cette approche permettent de transformer l’angoisse du décideur solitaire face aux problèmes, en une créativité et un alignement de chaque individu par rapport aux enjeux de l’entreprise et ses clients (vidéo disponible ici : Comment j’ai triplé mon chiffre d’affaires grâce au Lean). Les personnes ne sont plus démunies et fatalistes face aux problèmes, elles font des « expérimentations » : elles testent des contre-mesures par rapport à leurs observations terrains et les causes identifiées, mesurent les effets et en tirent les apprentissages.

Les cinq obstacles à la créativité

Dans leur livre « Toyota Kaizen Methods: six steps to improvement », Isao Kato et Art Smalley identifient 5 obstacles typiques :

  • La force des habitudes, des routines, des zones de confort. Kaizen signifie « changer pour le meilleur », il faut donc changer, challenger ses habitudes, se remettre en cause, et nous rebouclons sur l’esprit critique et le « challenger le statu quo ».
  • Préconceptions : les préconceptions à propos du processus ou/et des résultats finaux, qu’elles viennent du passé ou de croyances non vérifiées, ont pu être vraies par le passé, mais les choses changent : les gens et leurs compétences, les processus, les outils, les demandes client évoluent. Pour s’améliorer les personnes doivent pouvoir remettre en cause leurs jugements et opinions passées.
  • Le bon sens peut être un obstacle à la créativité. Ainsi l’idée communément admise que produire plus de pièces avec les machines va réduire leur coût unitaire a la vie dure : faites tourner les machines à fond, il faut les amortir au maximum ! Ici il n’y a aucune vision globale du processus de bout en bout et aucune idée si les pièces vont être vendues ou non, et donc si le processus gaspille ou non des matières premières, du temps des personnes et du cash.
  • Le syndrome du « pas inventé ici » : résoudre un obstacle peut se faire par un idée venant de l’extérieur. Les auteurs de « Toyota Kaizen Methods » soulignent à juste titre que Toyota a emprunté à l’extérieur de nombreux concepts et outils : l’étude des gestes, des temps, des mouvements venant des Etats Unis au début des années 1900; le takt time venant de l’industrie aéronautique allemande; le système du flux tiré avec les supermarchés américains.
  • Les émotions négatives telles que la peur peuvent bloquer la créativité, tandis que celles positives orientées par exemple vers l’amélioration des conditions de travail des autres, sont un moteur d’actions d’amélioration.

Le kaizen, générateur d’idées nouvelles

Le kaizen n’apporte pas de « solutions toutes faites » à « copier coller ». Il propose une discipline structurée de pensée pour aider les personnes à développer de nouvelles façons de réaliser leurs activités.

Ainsi à travers la méthode du kaizen en 6 étapes, le Lean fournit des techniques pour générer des idées nouvelles. C’est d’ailleurs la 3e étape de cette méthode, intitulée « Génération d’idées nouvelles ». Il s’agit par exemple de :

  • dessiner le processus de réalisation du produit/service et aller sur le terrain pour comprendre quelle est la méthode actuelle et identifier les gaspillages et les causes de variabilité des délais ;
  • réaliser une investigation détaillée et profonde d’un sujet ;
  • identifier les pratiques des meilleurs (benchmark) : qui sont les meilleurs sur le sujet dans le monde ? Que font-ils pour réussir ? Quelles sont leurs pratiques ?

Compétence : coordination avec les autres

Cette compétence est décrite par le WEF comme « ajuster les actions en relation avec les actions des autres personnes.»

Alignement vers un but commun

Telle une équipe d’aviron, les personnes se coordonnent entre elles mais avec en tête un but commun, connu et accepté de tous. L’équipe veut réussir la même chose ! Un pré-requis est donc le partage et l’adhésion à un but commun. Le Lean aide les équipes, à tous les niveaux, à clarifier leurs objectifs et leur mission, de manière orientée client, collaborateurs et environnement. C’est la fameuse « étoile du Nord ».

Le A3, méthode de développement des capacités de résolution de problèmes complexes, aide la personne qui le porte à rester cohérente avec les enjeux et stratégie de l’entreprise : via sa section « Contexte et Enjeux » dans laquelle le porteur de A3 expose le problème d’une manière visuelle et reliée aux grands indicateurs de l’entreprise, que ce soit en termes de satisfaction client, d’efficacité économique, de qualité de vie au travail des collaborateurs, ou de responsabilité environnementale.

Coordination pour produire

Pour la production, le système Lean implique des pratiques qui aident les personnes à se coordonner : les points quotidiens du matin, les techniques du
« juste à temps » telles que le flux tiré, mais aussi les techniques du jidoka qui permettent aux personnes, tout le long d’un processus, de se coordonner et se mettre d’accord à propos des livrables intermédiaires qui transitent entre deux étapes.

Coordination pour améliorer

Pour les actions d’amélioration, le Lean apporte un vocabulaire commun et des méthodes telles que le PDCA : c’est une méthode scientifique de résolution de problème, mais aussi un outil de consensus pour formaliser un problème et pour le diagnostiquer.

Et maintenant ?

La bonne nouvelle c’est que ces compétences s’enseignent et s’apprennent, avec des allers et retours fréquents entre la théorie et la pratique sur le terrain (là où les problèmes existent réellement, là où la valeur est créée pour vos clients à travers vos produits et services, pas en salle de réunion), en étant accompagné pour être challengé et aidé dans sa progression.

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Définition des compétences , selon le WEF.

  • Complex Problem Solving: Developed capacities used to solve novel, ill-defined problems in complex, real-world settings
  • Critical Thinking: Using logic and reasoning to identify the strengths and weaknesses of alternative solutions, conclusions or approaches to problems
  • Creativity: The ability to come up with unusual or clever ideas about a given topic or situation, or to develop creative ways to solve a problem
  • Coordinating with Others: Adjusting actions in relation to others’ actions
  • Judgement and Decision Making: Considering the relative costs and benefits of potential actions to choose the most appropriate one

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3 réflexions sur “Quelles compétences clés devez-vous développer au 21e siècle ?

  1. A l’instar de ce qui est possible avec la médecine, l’intelligence artificielle peut permettre d’aller vers le traitement d’un certain nombre d’effets induits, principalement ceux qui auront été prévus par l’équipe de programmation et ceux qui entreront dans un schéma de raisonnement prévu, parfois avec une efficacité redoutable.
    La recherche des causes racine par le questionnement, la recherche de l’amélioration par la connaissance du geste et des processus sont les points sur lesquels l’humain fait toujours la différence. On a pu constater avec l’usine de Tesla par exemple, qu’un système orienté vers les effets plutôt que vers les causes tourne en rond et perd la possibilité de s’améliorer. Il peut même gagner en complexité en induisant de nouvelles couches de traitements des effets à la place du traitement des causes racines, comme le ferait un système bureaucratique. Les problèmes sont exprimés sous forme de solution « pensées » par le système.

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  2. Merci Jérôme pour votre commentaire. Effectivement Elon Musk a annoncé récemment qu’il avait fait une erreur en essayant d’automatiser entièrement la chaine de production des Tesla. Les robots et IA ne savent pas s’améliorer. Là où Toyota a automatisé certaines parties de la chaine de production (par exemple les ateliers de soudure) il y a un être humain qui observe et identifie les pistes d’amélioration pour faire progresser la performance des robots.

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